Commentaire sur le Cantique des Cantiques

Commentaire sur le Cantique des Cantiques par Rabbi Issachar Baer

Précédé d’une introduction et suivi d’un compte-rendu du Dr. Marc Haven.

Introduction

Parmi les livres sacrés de l’Ancien Testament, le SHIR HA-SHIRIM ou Cantique des Cantiques de Salomon, fils de David, est, entre tous, sacré. Les Juifs orthodoxes ont, avec juste raison du reste, une si grande vénération pour cette partie de la Bible, par eux nommée Qadosh ha qadoshim ou Saint des Saints, qu’ils en interdisent la lecture à toute personne âgée de moins de trente ans.

Ce respect n’est pas inutile, ici nous le déclarons, car ce livre renferme, scellés sous un quadruple voile, les plus importants mystères qu’il y eût jamais.

C’est, par excellence, le livre des RAPPORTS ou de l’AMOUR, et « celui qui lit un verset du Cantique des cantiques et le considère comme un chant (érotique), amène le malheur sur le monde ». Tel est, en effet, le décret immuable que porte sur les imprudents le vieux livre du Talmud, dans le traité de Sanhédrin, page 101, et qui eût dû faire réfléchir les Renan et autres érudits superficiels et analystes de certaines écoles allemandes. Il était également interdit de porter sur le voile qui couvrait ces profonds mystères une main profanatrice, et ce n’est pas en vain que le Saints d’Israël profère l’anathème sur les audacieux qui en parlent plus ou moins ouvertement. Le savant qabbaliste Eliphas Lévi a même judicieusement constaté qu’une horrible maladie fit son apparition en Europe peu après la téméraire publication des Dialoghi d’Amore.

Cet ouvrage, dû à la plume du célèbre Juif converti Jehûdah Abrabanel plus connu sous le nom de Léon Hébreu, est, avec le fameux Banquet de Platon, ce que la tradition occidentale nous offre de plus pur et de plus orthodoxe, en dehors bien entendu du Cantique des Cantiques – sur la nature et l’essence de l’AMOUR.

Il ne manque certes pas d’autres ouvrages sur ce sujet, et même on peut dire qu’il n’est point de livre qui n’y touche quelque peu, tant est universelle l’influence de l’amour ; mais ils en considèrent plutôt les manifestations ou les effets, ce qui, d’ailleurs, n’est pas moins dangereux à certains points de vue.

Ici se place une question fort naturelle : Qu’est-ce donc l’AMOUR ? Nous allons tâcher de l’expliquer de notre mieux, toutefois en réservant ce qu’il n’est point permis de dévoiler.

Voici la réponse que fit à Socrate l’interrogeant, la belle étrangère de Mantinée, la très mystérieuse Diotime : « L’AMOUR naquit de la copulation de POROS (la plénitude) et de PENIA (la vacuité) ».

Et nous ajoutons ; libre et spontané, l’amour est le lien subtil et mutuel qui unit toutes choses ; c’est le point de transition entre le possible elle virtuel, entre le virtuel et le réel, entre le latent et le patent. C’est ce qui porte les êtres vers l’objet de leur désir, les pousse à s’unir à lui et à le conquérir, pour en faire leur sujet. C’est ainsi qu’éternellement, par la force de l’amour, l’univers inférieur objectif, objet de notre convoitise, puis l’univers supérieur, but de notre désir, sont conquis par l’homme, et deviennent, pour lui, subjectifs. Mais toujours l’homme aura au-dessus de lui un plan objectif qu’il devra sans cesse s’assimiler, sous peine de voir s’arrêter le progrès éternel. Ici-bas, notre marche est suivant une spirale concentrique ; mais quand l’individu aura atteint, par le renoncement et l’épreuve, le centre de cette spirale, il s’élancera alors en ligne droite vers l’éternelle et infinie BEAUTÉ, qui resplendit au cœur de la sphère de l’ABSOLU.

L’amour résout l’antinomie entre le MOI et le NON MOI.

Au dernier jour, nous serons jugés au poids de notre amour, car « à l’exaltation du cœur se reconnaît toute nature prédestinée. » Les jets de force vitale qui, en vertu de la puissance d’être, s’échappent incessamment de l’ineffable source de tout ce qui est, se sublimant ou s’épaississant, constituent le cerveau ou le ventre, la terre ou les cieux, devront être ramenés à l’Unité primordiale qui les émana de son sein. Ce double mouvement s’effectue par l’amour. L’être doit dissoudre le fixe et coaguler le volatil, puis entrecroiser à angles droits les produits obtenus afin de réaliser en lui-même le MYSTERIUM MAGNUM. C’est là le Grand Œuvre, la chose indispensable que Jésus de Nazareth indique d’une parole : « l’unique nécessaire… »

Les Hébreux, on le sait, et Fabre d’Olivet péremptoirement le démontra, construisaient leurs livres sacrés suivant une méthode spéciale, destinée à empêcher toute profanation des mystères qu’ils y celaient. Ce n’était que dans l’intérieur du sanctuaire que, progressivement, les Maîtres enseignaient aux disciples élus les quatre sens distincts que présentent les textes saints.

Le sens le plus inférieur, le seul connu des profanes, se nommait Pashût. C’est le sens littéral, l’écorce la plus matérielle et la plus extérieure, que nous donnent certains théologiens assez ignorants.

La deuxième signification, nommée Remmez est une simple allégorie. C’est celle que donne la plupart du temps Fabre d’Olivet dans sa traduction des dix premiers chapitres de la Genèse ; c’est aussi celle qu’on enseigne aux initiables du premier degré.

Le troisième sens est le Derâsh ou symbolisme supérieur, qu’on communique seulement aux adeptes supérieurs, et sous le sceau d’un serment terrible.

Enfin le Sôd ou secret suprême, l’anagogie, est indicible. Il ne peut se concevoir intégralement que par l’extase. Et les rabbins initiés à ce redoutable mystère n’en ont jamais soufflé mot. La tradition cite pourtant le nom de quelques téméraires qui, pour avoir seulement tenté de raconter ce qu’ils avaient vu, périrent sur le champ sans avoir pu divulguer la moindre chose, ou subirent un châtiment affreux.

Les initiales de ces quatre mots hébreux forment, réunies, le mot Pardès – qu’on traduit généralement par : Paradis. Avec le Notariqôn et la Guématria, les douze lettres de ces quatre mots produisent un grand nombre de combinaisons fort ingénieuses, calculs que nous nous contentons d’indiquer à la sagacité du lecteur.

Néanmoins nous pouvons dire que ces quatre sens ou degrés correspondent aux quatre lettres du Tétragramme ineffable, aux quatre sphères du monde : Asiah, Yetzirah, Briah et Atzilûth, ainsi qu’aux quatre points cardinaux, comme l’indique Ezéchiel aux derniers chapitres de ses visions. Il y a encore une multitude d’analogies.

Le Cantique des Cantiques ne fait pas exception à cette règle, et présente quatre significations bien distinctes :

Au premier degré, le seul apparent aux yeux d’argile, il s’agit de l’amour matériel de l’homme et de la femme, et le grand nombre n’y voit pas autre chose.

La seconde signification, dont le Christianisme a laissé transpirer quelque chose, est l’union du quatrième principe et du cinquième dans l’homme, c’est-à-dire l’union de Jésus-Christ et de l’Église. On lira avec fruit à ce sujet l’Ornement des Noces Spirituelles de Ruysbroeck, si justement surnommé l’Admirable.

Le troisième sens énonce la relation directe des deux Sephiroth Binah et Hokhmah, l’Intelligence et la Sagesse.

Enfin le Sôd, le quatrième degré, explique le mystère de la circumincession, c’est-à-dire, le rapport réciproque du Père et du Fils, leur baiser mutuel, leur ineffable et éternelle conversation, le Saint-Esprit, qui procède de l’un et de l’autre. Voici ce que dit à ce sujet sainte Jeanne de Matel :

« Ce plaisir (le Saint-Esprit) est un amour réciproque que le Père et le Fils produisent par voie de spiration active, c’est un amour très ardent. Et cet amour spiré anime le Père et le Fils, les liant, les baisant, les unissant, les concentrant et étant concentré en eux sans oppression. »

Il faut bien retenir ceci : Toute chose est passive relativement à ce qui la produit, active par rapport à ce qu’elle produit.

Dieu seul est actif en soi et par rapport à tous les êtres, tant émanés, qu’engendrés ou créés, puisqu’il n’est ni émané, ni engendré, ni créé. La Shékhinah est passive relativement à Dieu, et active vis-à-vis de l’Humanité, laquelle est elle-même active par rapport à la Nature inférieure, qui est passive en soi, puisqu’il n’y a rien au-dessous d’elle.

Chez l’homme aussi, l’esprit est mâle, relativement à l’âme, et dans toutes les subdivisions des êtres, il y a toujours un principe actif vis-à-vis d’un principe féminin ; leur harmonie, c’est l’amour qui les réunit.

Dans la Trinité chrétienne, où les trois personnes sont considérées comme toutes trois actives, parce qu’on ne peut rien concevoir de passif dans la divinité, le Fils est pourtant passif par rapport au Père, puisqu’il est écrit : « Je fais la volonté de mon Père » ; et l’Esprit-Saint, qui est leur don d’amour, leur baiser mutuel, est féminin vis-à-vis des deux autres termes, ainsi que le démontre la langue hébraïque qui le nomme du nom féminin רוח.

Ce qui précède est destiné à aider à la compréhension du sens alchimique du Cantique des Cantiques, qui décrit dans l’ordre suivant les opérations du GRAND ŒUVRE :

Le subjectum, ch. l, v. 5.

Le lilium artis, ch. l, v. 6.

La préparation et la purification, ch. II, v.4.

Le feu, ch. II, v. 7, et ch. IV, v. 16.

La putréfaction, ch. III, v. 1.

La sublimation et la distillation, ch. III, v. 6.

La coagulation et le changement de couleur, ch. V, v. 9 à v. 14.

La fixation, ch. II, v. 12, et ch. VIII, v.4.

La multiplication, ch. VI, v. 7.

L’augmentation et la projection, ch. VIII, v. 8.

Il existe une multitude de commentaires en toutes langues sur le Cantique des Cantiques, surtout en langue hébraïque, si bien qu’on a même fait, en hébreux, une bibliographie de ces commentaires. Les plus importants, sont, sans contredit, ceux de RASHl (Rabbénû Shlomoh) et du fameux Abarbanel.

Celui dont nous offrons aujourd’hui la traduction française a été écrit par un disciple inconnu de deux rabbins de la plus parfaite orthodoxie, qui se nommaient Rabbi Issa’char Baer et Rabbi Mosheh Phetha’hiah, de la ville de Kremnitz.

Il est extrait d’un petit livre fort rare imprimé en caractères rabbiniques à Prague en 1610-1611, in quarto, et intitulé Sepher MEQOR Hochmah, c’est-à-dire : Livre de la Fontaine de Sapience, dont nous donnons ici-même, intégralement, la préface.

C’est un commentaire du second degré, ou Remmez, sur le Pentateuque, le Cantique des Cantiques, le livre de Ruth, et l’Ecclésiaste.

La plupart des exemplaires sont suivis d’un second ouvrage, complémentaire du premier, et intitulé SEPHER AIMREI BINAH, c’est-à-dire : Livre des Paroles de l’Intelligence, qui est un commentaire des plus remarquables sur le Pentateuque seul.

L’un et l’autre livres sont construits suivant les règles de la plus savante qabbalah : chaque page présente un nombre déterminé de lignes, chaque ligne une certaine quantité de lettres. La recommandation formelle de saint Jean s’y applique en partie : « Quiconque ajoutera quoi que ce soit aux paroles de ce livre sera châtié par Dieu… et quiconque en retranchera quelque chose sera effacé du Livre de Vie… » (Apocalypse XXII, 18-19). En outre, quoique le Livre de la Fontaine de Sapience, ne soit qu’un commentaire du second degré, ainsi que nous l’avons déjà déclaré, on peut néanmoins l’interpréter suivant quatre sens distincts, allant du plus inférieur au plus élevé, le lecteur voudra bien y faire la plus grande attention.

Ceci dit, passons à la préface de l’auteur.

Préface de l’auteur

Le jeune Issa’char Baer a dit, au nom du savant maître Moshé Phelha’hiah, que toutes les paroles du Zohar, sont construites sur deux faces : la première consiste dans la connaissance extérieure des versets, en paroles douces, plus suaves que les gouttes de miel, et qui forment une échelle pour monter dans la demeure de notre Père qui est dans les cieux ; la seconde est la science des choses supérieures par leur sens caché. Et c’est là la sagesse de la Qabbalah pétrie avec l’huile de l’onction sainte, supérieure à l’intelligence ordinaire. C’est pourquoi cette voie semble malaisée aux yeux des hommes de notre génération ; elle présente peu d’attraits ; aussi ne la fréquentent-ils guère, et la vérité demeure solitaire, parée de beauté et de justice. J’ai donc résolu en mon âme de composer ce livre avec des extraits du Zohar, chaque mot à sa place, et de l’écrire dans une langue douce et pure, afin que ce mélange soit agréable et même beau aux yeux du lecteur, et trouve grâce aux yeux de Dieu et des hommes. Et j’ai nommé cet arrangement Meqor Hochmah (Source de Sapience), parce que toutes les paroles du Zohar sont construites sur les colonnes de la Sagesse supérieure. J’ai aussi indiqué où se trouve l’explication de chaque verset dans le livre du Zohar, et ne suis venu ni pour ajouter, ni pour retrancher quoi que ce soit, mais pour établir la chose dans son intégrité. Car, en vérité, il est inutile d’émettre son opinion dans son langage propre, pour plusieurs motifs : le premier en est que toutes les paroles du Zohar sont voilées et scellées aux yeux des enfants du monde, ainsi que l’enchaînement de ces mêmes paroles, et il y a de nombreuses raisons pour s’exprimer de telle ou telle façon. C’est pourquoi, j’ai tâché d’édifier mon travail de telle sorte, qu’il soit une aide et un appui pour ceux qui s’engagent dans la milice des étudiants de notre sainte Torah.

Nous avons fait des additions, afin que toutes les paroles du Zohar, rapportées ici, deviennent compréhensibles et claires aux yeux des lecteurs qui s’appliquent à ces études, soit qu’ils considèrent l’enchainement de la Fontaine de Sapience, ou celui des paroles de l’Intelligence. Cela est tiré du résumé explicatif du Zohar, entièrement fait pour la compréhension de la Science. J’ai même ajouté tout ce qui, dans le Zohar, se rapporte aux grands de la terre. Et je me suis confié en Dieu, pour que ce double enchaînement soit une porte ouverte, menant à toutes les voies du Zohar. Par là, nous nous rendrons dignes de la venue du Sauveur, et la terre sera remplie de la connaissance de Dieu, comme les eaux qui emplissent les mers. Et l’Eternel Dieu de Vérité nous enseignera le vrai chemin, et Il illuminera nos yeux de la clarté de Sa Torah. Il mettra dans nos cœurs son respect pour le servir et l’adorer.

Amen ! Amen !

Commentaire sur le Cantique des Cantiques
Cantique des Cantiques V, Marc Chagall.

Commentaire sur le Cantique des Cantiques

Cantique des Cantiques, etc. – Cantique de ceux qui ont été chantés En-haut.

Ce cantique renferme tous les mystères de la Loi et de la Sagesse. Les Anges le chantèrent En-haut de la sorte jusqu’à la naissance Et après la naissance de Lévi et loin, dès que Moïse vint au monde, qu’Aaron fut sacré, et les lévites consacrés, les chanteurs sortirent de la tribu de Lévi et descendirent. Et ils furent tous sanctifiés et demeurèrent auprès de ce qu’ils avaient à garder. Et les uns (ceux d’en bas) furent sanctifiés par rapport aux autres (ceux d’en haut). Et ceux d’en-haut et ceux d’en bas formèrent un chœur unique. Et le Roi unique reposait sur eux. Vint Salomon qui composa le livre de ces chanteurs, et il y joignit la Sagesse (Et tu trouveras cela dans l’Exode, VI, 1).

CANTIQUE DES CANTIQUES. – Dans le même temps que Salomon révéla au monde le Cantique des Cantiques disparut du monde secret du Serpent originel qui tenta Héva (Ève) et l’univers entier entra dans l’ordre. (Et tu trouveras cela dans la Genèse, III.)

(1,2.) Qu’il me baise des baisers de sa bouche, etc. – Au lieu de dire qu’il me baise j’aurais dû dire qu’il m’aime, car le lien d’amour n’est parfait que par le baiser, car les souffles (Rûdhim) de ceux qui se baisent, se fondent en UN, et alors l’amour est parfait entre eux. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, XXV, 2.)

Lorsque le Saint béni soit-II, révéla à Israël les dix paroles sur le mont Sinaï, chaque parole produisit une voix et chaque voix se divisa en soixante-dix voix : et toutes étaient lumineuses et fulgurante aux yeux de tout Israël, ainsi qu’il est dit : (Ex., X, I8) Et tout le peuple voyait les voix. Ils virent la substance. Et cette même voix retentissait en chacun d’eux particulièrement en disant : Me reçois-tu par tel ou tel précepte, par telle et telle transgression ? Et s’il répondait : Oui, alors cette voix le pénétrait et le baisait de sa bouche, ce qui est compris de ces mots : Qu’il me baise des baisers de sa bouche. (Et tu trouveras cela aussi dans l’Exode, XXV, 22.)

(1, 6.) Ne me crains pas, etc. – À l’instant où la face du Miséricordieux se retire pour se faire sentir dans l’univers, la Shékhinah dit à Israël : Ne me crains pas, vous ne pouvez pas me voir, car les voiles intérieurs s’étendent sur l’univers comme des nuages, ainsi qu’il est dit : (Ex. XI, 38) Des tentes (étendues) comme un nuage, etc. Et c’est pourquoi je suis obscure, parce que je suis dissimulée par ces nuages. Pourquoi : doublement obscure ? Pourquoi : qui m’a doublement brunie ? J’aurais dû dire simplement : brunie. C’est que le sens est doublement obscur. La preuve en est qu’étant doublement brunie, il y a double obscurcissement. Le premier obscurcissement eut lieu quand des six extrémités supérieures, les nuées ont enlevé la lumière au monde. Donc six obscurcissements eurent lieu, selon qu’il est dit : Et le second obscurcissement signifie : Les fils de ma mère se sont élevés contre moi. Ce sont les maîtres des jugements sévères qui exercent sans cesse la justice sur l’univers.

Ils m’ont établie gardienne des vignobles, c’est-à-dire gardienne du reste des nations, à cause d’Israël qui est dispersé parmi elles. Car mon vignoble, je ne l’ai pas gardé, car je ne puis le faire maintenant pour eux. (Et tu trouveras cela dans le Lévitique, ch. XII, 4.)

(I, 7.) Dis-moi que l’amour est dans mon âme etc. – La Shékhinah, qui est l’assemblée d’Israël, a dit au Saint, béni soit-Il : Dis-moi, etc. Et ici on prononce deux fois le mot איכה par allusion à la destruction des deux sanctuaires, et je pleurerai sur eux par le mot : איכה – איכה, tu mangeras par allusion à la destruction du premier temple : איכה tu reposeras se rapporte à la destruction du second temple. Tu mangeras, tu reposeras, j’aurais dû dire : il mangera, il reposera, car la Shékhinah a parlé ainsi sur Israël. Pourtant la Shékhinah a parlé pour son corps en disant : איכה tu donneras à manger à ses fils à elle, Israël, quand ils seront exilés au milieu des autres nations איכה tu reposeras à l’heure de midi. Comment feras-tu tomber sur eux goutte à goutte la rosée, et les eaux d’en haut au milieu des chaleurs de midi ?

Je serai errante comme l’agneau, car le reste des nations se moquera d’eux et les blasphèmera en leur disant : Quand sortirez-vous d’exil ? Pourquoi votre Dieu ne fait-il pas des miracles en votre faveur ? Et eux se vanteront disant : Ainsi Tu nous feras paitre comme aux premiers jours. Ainsi Tu reposeras dans les eaux saintes pour laver les chaleurs affaiblissant les forces des juges, et moi je suis assise comme un agneau et je ne puis venger leurs injures. Et le Saint, béni soit-Il, lui a répondu : Tu n’en sais rien, etc.

Pourquoi celle expression ? C’est parce que le Saint, béni soit-Il, dit à sa Shékhinah, bénie soit-Elle : si tu veux fortifier ton corps et venger Israël, marche sur les talons des brebis, c’est-à-dire les nourrissons de la maison des maîtres qui enseignent la Torah. Et fais paître tes chevreaux, qui sont nourris au sein et sont sans péché, et sont morts au monde, et qui montent vers les demeures supérieures du Métatron, et par conséquent ils sont au-dessus des demeures des pasteurs et non au niveau de leurs demeures.

Autre commentaire : Les talons des brebis sont les maisons de réunion et d’étude (Midrashim) ; Et fais paître tes chevreaux ; ce sont les nourrissons de la maison des Maîtres, qui sont sans péché. Sur les demeures des pasteurs, ce sont les éducateurs des nourrissons, et les princes des séjours. (Et tu trouveras tout cela dans les Nombres, XXIII, 9 et 10.)

(l, 12.) Jusqu’au palais du Roi mon nard a répandu son parfum. Avant que le Roi, béni soit-II, fût descendu sur le Mont Sinaï pour donner la Torah à Israël, cette Torah était renfermée dans Son palais. Alors mon nard a répandu son parfum. Israël a fait monter une bonne odeur qui s’est maintenue et les a protégés dans les générations des générations, et ils dirent : Tout ce que Dieu a ordonné nous l’accomplirons et y serons fidèles, etc. (Et tu trouveras cela dans le Lévitique, XVIII, 4 et 5.)

(II, 2,) Comme le lis parmi les épines, telle ma bien-aimée est parmi les filles. – Israël sont comme le lis qui est parmi les épines, c’est-à-dire tels sont Israël parmi le reste les nations. Et comme le lis qui est parmi les épines n’est enlevé d’au milieu des épines que lorsqu’il commence à répandre son parfum, de même Israël ne seront enlevés, d’entre le reste des nations, que lorsqu’ils commenceront à répandre leur parfum par leurs bonnes actions. (Et tu trouveras cela dans les Nombres, XLI, 11.)

(II, 3.) Comme le pommier parmi les arbres sauvages, tel est mon bien-aimé parmi les jeunes gens, etc. – De même que le pommier est un remède pour tout, ainsi le Saint, béni soit-II, est un médecin pour tous. De même que le pommier a de belles branches, de même le Saint, béni soit-Il, est-il dans toutes ses manifestations, qui se distinguent par leurs ramifications. Comme le pommier qui, entre tous les autres arbres, a en lui une bonne odeur, tel est le Saint, béni soit-Il, dont-il est dit : Son (palais) est adouci. Et le Saint, béni soit-II, glorifie l’assemblée d’Israël comme le lis, ainsi qu’il est dit.

(II, 5.) Fortifie-moi avec des flacons, etc. – Lorsque Eléazar le Grand était malade, il étudiait avec R. Akiba le sens des versets du Shir ha-Shirim, et les yeux de R. Akiba laissaient tomber des larmes, et le feu les embrasait quand il touchait au verset : Fortifiez-moi avec des flacons, etc. R. Akiba ne pouvait point supporter cela, et il élevait la voix dans le flux de ses larmes et se mettait à crier, et il ne pouvait plus parler dans le respect que lui produisait la présence de la Shékhinah. (Et tu trouveras dans la Genèse, XVIII, 3.)

(II, 7.) Je vous conjure, etc. Par les gazelles indique le Roi Messie qui se nomme Gazelles ; ou par les biches de la nature signifie le reste des armées et des camps d’Emfràs. N’éveillez pas et ne faites point lever la bien-aimée avant qu’il ne plaise à la Shékhinah de le demander au Saint, béni soit-Il. Et alors l’Eternel sera un et Son Nom sera un. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, cb. III, 14.)

(II, 14.) Ma colombe qui est dans la fente du rocher, etc. – Ma colombe c’est l’Assemblée d’Israël, dans les fentes du rocher indiquent Jérusalem. Comme le rocher est plus élevé et plus dur que tout le reste, de même Jérusalem s’élève au-dessus de tout. Dans la cachette de l’escalier se rapporte à la maison de sainteté, lieu qui est appelé Saint des Saints qui se trouve au centre du monde. Et voici pourquoi il est écrit : dans la cachette de l’escalier, parce que c’est là que se tient cachée la Shékhinah. (Et tu trouveras cela dans la Genèse, XV, 13 et 14.) Autre interprétation : Ma colombe, c’est l’assemblée d’Israël qui n’abandonne pas sa compagne, qui ne s’éloigne pas du Saint, béni soit-II à jamais ! Dans les fentes du rocher, se rapporte aux disciples des sages qui ne trouvent point de repos en ce monde. Dans la cachette de l’escalier signifie les humbles qui sont parmi eux, car la Shékhinah ne s’éloigne point d’eux, et alors le Saint, béni soit-Il, lui dit : Fais-moi voir ton visage et fais-moi entendre ta voix, etc. car il n’y a pas de voix qui soit écoutée En-haut comme la voix de ceux qui s’occupent de la Torah, et leur visage est incrusté En-haut ; c’est pourquoi il est dit : Car ta voix est douce et ton visage est agréable. (Et tu trouveras cela dans le Lévitique, ch. XVI, 2.)

(II, 16.) Mon bien-aimé est à moi et moi je suis à lui, etc. – Il m’a élue et je l’ai élu. Il me fait paître parmi les lis. Bien que les épines, qui sont les autres nations entourent Israël, qui sont les lis : malgré tout cela, Il les fait paître. Il fait paître parmi les lis : de même que ce lis est rouge et blanc, de même le Saint, béni soi-Il régit le monde par sa faculté de miséricorde et par sa faculté de justice, qui se manifestent par les couleurs rouge et blanche, selon qu’il est dit : Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, chap. V., qui en parle longuement.)

(IV, 6.) Jusqu’à ce que le jour souffle et que les ombres fuient, j’irai à la montagne de la myrrhe et à la colline de l’encens. – Ce jour est celui (de la délivrance) d’entre les nations, et alors fuiront les ombres, celles-ci, sont les princes qui les dominent. J’irai vers la montagne de la myrrhe, pour réveiller, chasser les nations de Jérusalem qui est appelée la montagne de la myrrhe selon qu’il est dit : Sur la montagne de la myrrhe qui est à Jérusalem. Et vers la colline de l’encens qui est la maison de la sainteté qui est dans Zion dont il est dit : La beauté nous réjouira toute la terre. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, chap. III, et dans le Lévitique, chap. XXIV).

(III, 7.) Voici le lit de Shlomoh, soixante Ghibôrim d’entre les Ghibôrim d’Israël, etc. – C’est la Shékhinah du Roi, béni soit-II, qui est le Maître de la paix. Les soixante Ghibôrim sont les soixante myriades d’anges qui descendirent avec Yaqôb en Egypte. Parmi les Ghibôrim d’Israël signifie la force d’Israël. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, chap. 1.)

(IV, 8.) Avec moi, du Liban, jeune épouse, avec moi, du Liban viens, regarde du sommet du Shenir et du Hermon, de la demeure des lions, des montagnes des léopards. – L’épouse, c’est la Shékhinah qui se pare des luminaires supérieurs comme une jeune épouse. Sors du Liban, c’est-à-dire de la Sainteté supérieure, et jamais Elle ne s’est éloignée du mur septentrional, puisqu’il est dit : La voici qui se tient contre notre mur. Regarde du sommet d’Amana signifie : répands la foi sur l’univers. Du sommet du Shenir et du Hermon, c’est-à-dire du centre d’où la Torah émane dans le monde pour protéger Israël. Des demeures des lions indiquent les autres nations. Autre version : Les demeures des lions sont les Talmidim Ha’chamin qui étudient la Torah dans les origines des sciences, et dans les maisons de réunion, et ce sont les lions et les léopards de la Torah. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, chap. III.)

(VI, 10.) Quelle est celle qui apparaît comme l’aurore, qui est belle comme la lune, brillante comme le soleil, formidable comme les étendards. – À l’heure où le Saint, béni soit-Il, fera sortir Israël de l’exil, Il leur ouvrira alors successivement les Luminaires supérieurs, et après cela les grandes portes, et ainsi le malade guérira petit à petit, et par là sa force reviendra, et ainsi Israël retrouveront leurs luminaires, d’abord comme l’aurore, et après cela leur clarté sera comme un soleil, et à la fin formidable comme des étendards. (Et tu trouveras cela dans la Genèse, ch. XXXII, 27-28.)

(VI, 11.) Je suis descendue au jardin des noyers pourvoir les fruits nouveaux de la vallée, pour voir si la vigne a poussé son fruit, si les grenadiers fleurissaient. – De même que la noix a une enveloppe qui entoure et recouvre son fruit intérieur, de même la sainteté est le fruit intérieur, et des enveloppes l’entourent, c’est pourquoi on appelle la totalité de la foi : noix. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, ch. XL, 34.) (VII, 7.) Ta tête est sur toi comme le Carmel, et les cheveux de ta tête comme la pourpre, c’est un lion enchainé dans ses tresses. – Les Remmez de ceci se rapportent à Nabûqadnetzar, dont il est dit : Ses inférieurs étaient subjugués comme des êtres créés. Et les cheveux de la tête (sont) comme la pourpre, se rapporte à Balthasar dont il est dit : Il se revêtit de pourpre. (Et tu trouveras cela dans la Genèse, ch. XX, v. 3-4.)

(VII, 8.) Voilà, ta stature est semblable au palmier et tes seins à des grappes. – Ainsi que le palmier ne produit que le mâle et la femelle, de même l’assemblée d’Israël ne se sépare pas du Saint, béni soit-Il.

(VII, 14.) Les mandragores ont répandu leur parfum, et sur nos portes les fruits nouveaux et anciens ; mon bien-aimé, je (les ai) réservés pour toi. – Ce sont ces mandragores qu’avait trouvées Ruben, ainsi qu’il est dit (Genèse, XXX, 14) : Et trouva des mandragores dans la nature. Et les paroles car alors il y avait fraternité et la paix entre eux. Je te rencontrerais dehors, c’est-à-dire hors de la terre. Je t’embrasserais de manière à unir le souffle au souffle. Et on ne me mépriserait pourtant pas, quoique je sois hors de la terre. (Et tu trouveras cela dans la Genèse, XXXVII, 1.)

(VIII, 13.) Ô toi qui habites dans les jardins, les amis seront attentifs et ta voix ; fais-la moi entendre. – Quand l’homme est assis au milieu de la nuit pour s’occuper de la Torah, alors le Saint, béni sait-II, écoute sa voix, et tous les anges qui chantent en haut se taisent pour entendre les louanges de celui qui s’occupe de la Torah, et ils s’écrient : Bénissons l’Éternel, etc. (Et tu trouveras cela dans la Genèse, XII, 7.)

(VIII, 14.) Fuis, mon bien-aimé, et sois semblable au faon des biches, sur les montagnes des aromates. – Le désir d’Israël est comme le chevreuil ou le faon des biches, car tandis qu’il fuit, il tourne continuellement la tête en arrière vers le lieu qu’il vient de quitter. De même Israël disent au Saint, béni soit-Il : Si nous sommes cause que Tu te retires d’entre nous, que Ta volonté soit de fuir comme le chevreuil ou le faon des biches, comme il est dit (Lévit. XXVI, 44) : Même s’ils se trouvent dans le pays de leurs ennemis, je ne les mépriserai pas et ne les aurai pas en horreur, etc. (Et tu trouveras cela dans l’Exode, III, 89.)

Commentaire de Rabbi Issachar Baer publié dans la Bibliothèque Rosicrucienne

Notre siècle n’est plus celui du livre. Est-il encore celui des revues et des journaux ? Peut-être ; mais l’action des périodiques eux-mêmes est bien près de finir. D’une part, la multiplicité, l’infériorité des productions qui se succèdent et disparaissent ont annihilé la valeur de l’œuvre écrite, détruit toute confiance parmi les sincères qui ont pu chercher jadis dans un livre nouveau quelque clarté ou quelque consolation. L’œuvre rare, l’œuvre d’une existence, noyée au milieu du flot montant, y disparaît, et ceux-là l’ignorent qui auraient pu en profiter. D’autre part, les heures marchent et passent : le labeur est plus hâtif, plus fiévreux, et même ceux qui ne regardent pas le ciel ont entendu dire que des signes y avaient paru, présageant quelque grande chose prochaine, la fin des temps, peut-être. Et tous, croyants et positivistes sérieux, voyants et sceptiques, se hâtent d’agir, de préparer, délaissant les spéculations, les livres et les travaux d’érudition pour l’acte qui lui semble nécessaire et définitif. C’est peut-être la cause la plus importante de l’abandon des livres, la raison la meilleure expliquant leur peu d’action, je dirais presque leur inutilité aujourd’hui. Nous sommes fatigués des spéculations logiques et métaphysiques, voix du cerveau ; nous désirons revoir dans leur simplicité les gestes primitifs, les élans immodérés du cœur ; nous sommes las des comédies qu’on nous a données, tristes d’en avoir joué nous-mêmes, et nous nous efforçons de réparer le temps perdu, le mal commis, d’effacer les habitudes prises, les grimaces apprises, pour retrouver notre loyauté enfantine, notre visage sincère d’autrefois et notre regard qui ne fuyait pas devant la lumière.

Qu’elles sont vides, les déclamations des philosophes modernes sur les notions de l’entendement, sur les états rares de conscience, sur les psychoses, sur les mathématiques de la pensée ! Qu’elle est inerte et glorieuse, cependant du petit cercle où elle tourne, la science d’aujourd’hui ! Quelle ignorance et quel sommeil dans les centres initiatiques, églises et temples ; quelles ténèbres au sein des sanctuaires où devrait briller la lumière qui ne s’éteint jamais, lampe de perpétuelle adoration, étoile flamboyante ! Aussi est-ce avec joie que l’esprit retourne vers le passé où les lueurs semblaient plus brillantes, où les œuvres plus rares, plus profondément mûries, plus sincères, éveillaient et enseignaient davantage. Le labeur d’une existence est là, dans cet in-folio ; les méditations d’un esprit supérieur d’un être illuminé parfois de la grâce divine, ont été condensées en quelques pages initiatrices qu’on peut lire, relire et développer en toute une autre vie de travail et d’oraison. C’est pour cela que tant de chercheurs, épris de vérité, viennent à l’occultisme, interrogent les vieux maîtres, que des groupements se forment qui semblent, à première vue, étranges en notre siècle, que des œuvres paraissent que l’on dirait surgies des temps passés et qui, néanmoins, sont plutôt de l’avenir que du passé. La Bibliothèque Rosicrucienne est de ce genre ; le titre effrayera les ignorants par son étrangeté et les adeptes par la lourde responsabilité qu’il entraîne avec lui. Mais ceux-ci se rassureront bientôt à la lecture des œuvres parues : la traduction du De septem secundeis, la traduction d’un commentaire au Schir haschirim, la réédition de l’Ombre idéale de la Sagesse universelle, sont des œuvres impersonnelles, des œuvres de sages du temps passé, et nulle individualité moderne, assoiffée de renom, ne s’exhibe là sournoisement. Ces ouvrages sont anonymement publiés et nous en félicitons ceux qui les ont donnés au public : s’oublier est si difficile, et le faire est la marque d’un esprit déjà bien avancé dans la connaissance des lois.

Nous devrions parler ici du De septem secundeis et de Trithème, et ce serait avec d’autant plus de plaisir que nous avons passé de bien heureuses heures à lire ses lettres si rosicruciennes elles aussi, et ses traités de philosophie et d’alchimie. Sa vie même, résumée par le publicateur en tête de l’ouvrage, est utile à connaître et à méditer : un enseignement au moins égal, sinon supérieur à celui de ses écrits s’en dégage. Mais le temps à passer et le développement de la bibliothèque rosicrucienne fait que cette nouveauté a déjà été dépassée par deux autres livres, la traduction du Pirush al Schir haschirim de R. Issachar Baer, et l’Ombre idéale de la Sagesse universelle du R. P. Esprit Sabathier, livre introuvable jusqu’à présent et purement kabbalistique. Bien que la tâche que nous choisissons soit la plus difficile, c’est du Cantique des Cantiques que nous voulons surtout parler ici. Il serait plus aisé de faire un commentaire aux tableaux du Père Esprit Sabathier qui, d’abord, ne sont accompagnés d’aucune note de l’éditeur et qui, d’autre part, pour hermétiques qu’ils soient, ne sont pas enveloppés de voiles aussi mystérieux, aussi indéchirables, qu’un commentaire kabbalistique à un ouvrage de haute science comme le Schir haschirim que la tradition attribue, et à juste titre au roi Salomon. Cette tâche est encore rendue plus pénible par ce fait que celui qui publie cette traduction, fort instruit sans doute en la science traditionnelle, donne sur le livre, sur son contenu et sur les mystères du PARDÈS des explications aussi précises que nombreuses.

Que nous reste-t-il donc ? Ajouter quelques notes à celles si intéressantes qui accompagnent ce volume ; y montrer, au point de vue magique par exemple, les enseignements que l’auteur ne fait qu’indiquer. « N’éveillez pas et ne faites point lever la bien aimée… » (p. 45.) « Ma colombe est dans la fente du rocher et dans la cachette de l’escalier … » (p. 36) « Tes amis seront attentifs à ta voix… » (p. 53), et mille autres passages. Mais ce serait bien inutile, puisque tout lecteur qui voudra y réfléchir, suivant la route indiquée par la préface, trouvera tout cela et bien d’autres choses encore. Je voudrais seulement insister sur un point touchant à la fois la Kabbale et la Fraternité des Rose-Croix. Il est écrit (p. 36), à l’endroit où R. Issachar Baer parle de la sélection faite dans la tribu de Lévi : « Vint Salomon qui composa le livre de ces chanteurs, et y joignit la Sagesse. Dans le même temps disparut du monde le secret du serpent originel et l’univers entra dans l’ordre. » Comme l’interprétation de ces lignes touche au sens du Cantique des cantiques, à la venue du Messie et à la nature de la Fraternité des Rose-Croix, il importe d’en parler un peu. Le roi Salomon a donc amené la paix dans le monde en révélant le Schir haschirim : et cela devait être, car ce roi fut avant tout un pacifique. Le Cantique des cantiques est un livre d’harmonie, dont on doit écouter le chant dans le silence intérieur de l’âme et que les anges ont chanté dès le commencement ; tout n’est-il pas dès le commencement ? Aussi, lorsqu’il fut révélé et confié aux trente-six premiers chanteurs de la tribu préférée, tous âgés de 33 ans, pour le moins, ce ne fut en somme qu’une manifestation déjà exotérique, malgré son mystère, d’un verbe de la Sagesse éternelle prononcé dès l’origine des temps. Et voilà pourquoi il est dit que Salomon donna ce livre avec la Sagesse.

Les trente-six premiers chanteurs de la tribu de Lévi eurent ce livre et le gardèrent, le chantant aux jours de fête solennelle (une fois l’an). On retrouve encore les traces de ces rites dans les livres de polémique relatifs aux Rose-Croix publiés en 1610. Mais à cette époque, et dès la venue du Christ, les trente-six seconds chanteurs s’étaient levés et étaient descendus eux aussi pour venir chanter la seconde partie du cantique avec les trente-six premiers, et cela parce que Christ a dit qu’il n’était pas venu pour abolir la loi mais pour la compléter, et qu’à la fin tout serait consommé. Salomon avait inauguré l’ère de l’ordre ; il avait fait disparaître du monde le secret du serpent en ce sens que désormais il y avait une porte ouverte pour parvenir jusqu’au palais du Roi, mais il n’avait pas détruit le mal et c’est pour cela que Jésus-Christ est venu, roi de justice, et qu’il a ordonné de laisser venir à lui les petits enfants. Le monde commença par la venue de Jésus-Christ à être rétabli dans l’amour, et le mal fut détruit dans sa racine.

Aujourd’hui le Cantique des cantiques est Je livre fondamental des soixante-douze Rose-Croix ; on dit que chacun d’eux s’efforce, en entrant dans l’ordre, d’en donner un commentaire nouveau aussi exact que possible. Les Évangiles sont pour cela le guide le plus sûr et le livre qui éclaircit le plus le texte primitif. Dans les livres de l’ancienne loi, dans Isaïe (LX II, 3) par exemple, on trouve bien des paroles pouvant aider l’esprit dans ses recherches ; mais, sur ces hautes questions, quelles lumières plus grandes peuvent être données, que celles émanées de la Lumière même. Si quelques obscurités demeurent encore dans ce merveilleux Schir haschirim, ce n’est donc pas faute d’efforts ; c’est que les derniers voiles ne peuvent être soulevés avant le temps pour nos faibles intelligences ; c’est que le saint, voilant sa face de rigueur, a voulu dans sa miséricorde que la tentation ne dépassât jamais nos forces pour que notre bonheur fût plus possible et notre route moins périlleuse.

Le commentaire du Schir haschirim que la bibliothèque rosicrucienne permet à tous de lire et d’étudier est donc un livre très utile, il était naturel, il est heureux de le voir figurer dans une bibliothèque qui parle au nom des Rose-Croix, et les renseignements qu’il renferme n’échapperont à aucun esprit éclairé en la matière et observateur. Je crois que cet ouvrage est et restera le plus précieux de tous ceux de cette collection ; il ne saurait vieillir, il ne saurait être surpassé. Il n’est qu’un lieu et qu’un temps où le Schir haschirim ne sera plus chanté, et ce temps est trop long à venir, et ce lieu est trop inconnu encore. C’est au jour de la venue glorieuse du Messie, dans sa maison de sainteté ; car toutes les voix se fondant alors dans un verbe unique, les souffles seront unis et les chanteurs réintégreront le lieu élevé d’où ils étaient descendus, selon ce qui est écrit dans le Cantique (11, 16) : « Mon bien aimé est à moi et moi je suis à lui. »

Commentaire sur le Cantique des Cantiques, Dr Marc Haven. L’Initiation, décembre 1897. Reproduction de l’édition de Paris 1897 sans les notes de bas de page.

Illustration : Le Cantique des Cantiques, planche V, Marc Chagall.

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1 réflexion sur “Commentaire sur le Cantique des Cantiques”

  1. Est-il possible que les chrétiens se soient servis de l’idée de la géhenne divisée en 7 pour établir l’idée de leurs 7 pêchés capitaux ?

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