Yonah commenté par le Gaon de Vilna [1]

Yonah commenté par le Gaon de Vilna [1]. 

Avec seulement 48 versets, le Livre de Yonah est l’un des plus courts du Tanak. Pour pénétrer ses mystères, nous proposons ici une synthèse des commentaires du Gaon de Vilna, qui fait du récit de Yonah celui de l’âme humaine. La version complète, « Aderes Eliyahu », est disponible en traduction anglaise aux éditions ArtScroll. Le texte du Livre de Yonah a été traduit par Chouraqui, et mis à disposition sur son site : La Bible et Le Coran D’André Chouraqui En Ligne.

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Chapitre I : Yonah en tant que figure de la Neshamah

1. Et c’est la parole de IHVH-Adonaï à Iona bèn Amitaï pour dire :

2. « Lève-toi ! Va à Ninevé, la grande ville. Crie contre elle. Oui, leur mal monte en face de moi. »

L’introduction ויהי qui commence ce verset introduit une épreuve difficile. Dans le cas présent, il s’agit de la descente forcée de la Neshamah dans le monde physique.

En entrant dans un corps, la Neshamah se met en danger. D’un côté, elle peut s’accomplir dans le monde physique – notamment via l’accomplissement du Tikkun –, mais de l’autre, elle peut se laisser aller à la volupté physique et oublier son origine divine.

L’incarnation est toutefois sa destinée, ainsi qu’il est dit : « Depuis le jour où tu as été créée, c’est pour cela que tu as été créée : pour être dans ce monde. »

Tout au long du texte, on ne parlera pas de Yonah en tant qu’homme, mais en tant que symbole de la Neshamah incarnée.

La tâche qui lui est confiée est de se rendre à « la grande ville ». Par opposition à « petite ville », qui se réfère au corps humain, « grande ville » désigne ici le monde dans son ensemble. La Neshamah se « lève », quitte les cieux, et se rend dans le monde physique pour lui apprendre comment résister à l’attrait du mal.

En effet, les mauvaises actions répétées des hommes ont produit une grande quantité d’anges accusateurs (1), qui se présentent à présent devant HaShem en réclamant le jugement des pécheurs.

3. Iona se lève pour s’enfuir à Tarshish loin des faces de IHVH-Adonaï. Il descend à Iapho et trouve un navire en partance pour Tarshish. Il donne sa paye et descend pour venir avec eux, vers Tarshish, loin des faces de IHVH-Adonaï.

La Neshamah refuse d’obéir à HaShem, trop occupée à se complaire dans les plaisirs physiques du monde de chair. Elle s’enfuit vers Tarshish, qui représente l’abondance de biens matériels ; elle a oublié son origine au point de croire pouvoir échapper au regard de HaShem (2).

Iapho, יפו, peut se lire « beau ». C’est la beauté du monde physique qui a attiré la Neshamah, et en s’abandonnant à lui, elle donne « sa paye », à savoir sa valeur spirituelle intrinsèque. Le bateau, quant à lui, représente le corps de chair qu’habite la Neshamah, le vaisseau dans lequel elle sillonne le monde physique. Le bateau, אניה, signifie également « souffrance ».

4. IHVH-Adonaï soulève un grand souffle sur la mer. Et c’est une grande tempête sur la mer. Le navire pense être brisé.

5. Les marins frémissent. Ils clament, chaque homme vers ses Elohîms. Ils projettent les objets du navire dans la mer pour s’en alléger. Iona descend aux soutes du vaisseau. Il se couche et s’endort.

HaShem décide alors d’exécuter la sentence demandée par les anges accusateurs à l’encontre de Yonah, de la Neshamah. Le châtiment prend la forme d’un vent puissant, l’ange de la mort (3), ainsi qu’il est écrit : « Feu et grêle, neige et vapeur, vent puissant accomplissant Son mot » (Zohar vol.2 172b.).

La mer est le monde physique, tandis que le rivage représente le monde à venir. Le bateau, rappelons-le, est le corps dans lequel s’est incarnée la Neshamah. Pris dans cette puissance tempête, la force du corps l’abandonne, et il réalise que contrairement à ce que son état de bien-être laissait augurer, il est n’est pas éternel. Il réalise sa mortalité, et commence à réaliser le non-sens de l’existence qu’il a menée. C’est pour cela qu’il est écrit du bateau qu’il « pense » être brisé.

Le bateau étant le corps, les marins en sont les membres et les organes. Ils se tournent vers leurs divinités physiques sans obtenir de réponses. Tout comme l’homme malade se dépouille alors de ses vêtements pour rejoindre son lit d’agonie, les marins se débarrassent de tous les biens se trouvant sur le bateau.

Yonah, quant à lui, est comme la Neshamah ; endormie au plus profond du corps physique. À ce sujet, il est écrit que plus un homme pèche, plus la Neshamah descend vers les pieds. À l’inverse, plus il est pieux, plus elle est haute.

6. Le grand navigateur s’approche de lui et lui dit : « Qu’as-tu, endormi ? Lève-toi ! Crie vers ton Elohîms. Peut-être l’Elohîms se ravisera-t-il pour nous, et nous ne serons pas perdus. »

7. Ils se disent, chaque homme à son compagnon: « Allons, faisons tomber les sorts ! Sachons à cause de qui ce malheur est sur nous ! » Ils font tomber les sorts, et le sort tombe sur Iona.

Le grand navigateur, parfois traduit par « capitaine », est le cœur, siège de la vitalité et de la force du corps. Le cœur abjure la Neshamah d’appeler le salut dans ces derniers moments. Il sait que le corps est éphémère et pourrira pour ne plus jamais être reconstitué sous sa forme actuelle.

Les membres et les organes essaient alors de savoir quelle partie du corps est à blâmer pour cette mort sur le point de frapper. Est-ce la langue pour avoir proféré de mauvaises paroles ? Les organes sexuels pour avoir commis un péché de chair ? Mais le sort désigne finalement la Neshamah, la seule à avoir réellement eu le pouvoir d’influer, en bien ou en mal, sur le destin du corps. C’est donc à elle, et à elle seule, que revient la faute d’avoir mené le corps à sa mort.

8. Ils lui disent: « Rapporte-nous donc pourquoi ce malheur est sur nous. Quel est ton métier ? D’où viens-tu ? Quelle est ta terre ? De quel peuple es-tu, toi ? »

9. Il leur dit: « Moi-même, un ‘Ibri (4). Moi, je frémis de IHVH-Adonaï, l’Elohîms des ciels, lui qui a fait la mer et le sec. »

Ils lui demandent donc quelle est son origine réelle, d’où elle vient, et quelle est sa tâche. La Neshamah leur révèle alors qu’elle est hébreu. Le mot utilisé est עברי, qui signifie « d’ailleurs ». Yonah révèle donc qu’il vient « d’ailleurs » que ce monde, d’au-delà, du Jardin d’Éden. Sa tâche est de crainte HaShem, et de naviguer sur le monde physique pour atteindre le monde à venir.

10. Les hommes frémissent d’un grand frémissement. Ils lui disent: « Qu’as-tu fait ? »

Oui, les hommes savaient qu’il fuyait en face de IHVH-Adonaï. Oui, il le leur avait rapporté.

11. Ils lui disent: « Que te ferons-nous pour que la mer se taise pour nous ? » Oui, la mer va et tempête.

12. Il leur dit: « Portez-moi et jetez-moi à la mer. La mer se taira pour vous. Oui, moi, je le sais, cette grande tempête est contre vous à cause de moi. »

13. Les hommes rament pour retourner vers le sec; mais ne le peuvent, oui, la mer va et la tempête contre eux.

14. Ils crient vers IHVH-Adonaï, ils disent: « Holà, IHVH-Adonaï ! Ne soyons donc pas perdus pour l’être de cet homme. Ne donne pas contre nous un sang innocent ! Oui, toi, IHVH-Adonaï, quand tu le désires, tu agis ! »

15. Ils portent Iona et le jettent à la mer. La mer arrête sa fureur.

16. Les hommes frémissent d’un grand frémissement, de IHVH-Adonaï. Ils sacrifient un sacrifice pour IHVH-Adonaï. Ils vouent des voeux.

Yonah commenté par le Gaon de Vilna [1]
Jonas et le grand poisson. Extrait de Historiae celebriores Veteris Testamenti Iconibus representatae, 1712.

Apprenant cela, le corps est horrifié par la Neshamah qui a ainsi abandonné sa mission. Il cherche un moyen de se sauvegarder au regard de HaShem. La Neshamah demande alors au corps de la laisser quitter l’enveloppe charnelle et affronter la mort seule, suite à quoi le corps retrouvera la sérénité, fut-elle celle de la mort.

Les marins essaient de ramener le corps, le bateau, vers le rivage sec du monde à venir, mais n’y parviennent pas ; le jugement a été arrêté. Ils demandent à HaShem de les pardonner, prétextant que la Neshamah est seule responsable alors que c’est via l’enveloppe de chair qu’il lui a été possible de commettre les péchés. Les sages illustrent cela par l’histoire d’un villageois et d’un noble qui complotèrent contre le roi. L’ayant appris, celui-ci ordonna de punir le noble et de relâcher le villageois : « étant dans mon entourage, le noble sait comment se comporter en présence de la royauté, alors que le villageois l’ignore. »

La Neshamah quitte alors le corps, qui meurt et redevient tranquille. Dans ses derniers instants, il accepte la punition divine avec sérénité et amour.

Lire la deuxième partie de cet article : Yonah commenté par le Gaon de Vilna [2].

Yonah commenté par le Gaon de Vilna [1]. Traduction par Gabri-el

Notes :

(1) : Chaque fois qu’un homme accomplit une bonne action ou une Mitzvah, il créé un ange défenseur. À l’inverse, pour chaque mauvaise action ou infraction à un commandement, il créé un ange accusateur.

Les anges accusateurs et les anges défenseurs marcheront devant l’homme à la mort de celui-ci, clamant chacun l’acte qui les a créés.

Toutefois, lorsque les anges accusateurs se font trop nombreux, ils se massent devant HaShem et demandent qu’Il exécute le jugement, typiquement la mort de l’individu.

(2) : Voir également Bereshit 3 : 8 ; « Adam et sa femme se cachent, face à IHVH-Adonaï » où on retrouve également un oubli du lieu d’origine suite au péché primordial.

(3) : Une fois que le jugement de mort est prononcé contre un homme, l’ange de la mort se tient à la tête de son lit, avec à la main une épée à la pointe de laquelle se trouve une goutte de poison. Lorsque le pécheur voit cet ange, il ouvre la bouche d’étonnement, et l’ange y fait tomber la goutte de poison. C’est ainsi qu’il meurt, et c’est à cause de ceci que le corps pourrit.

Symboliquement parlant, l’épée représente l’aspect féminin de l’impureté, qui pousse l’homme au péché. Quant au poison, c’est l’impureté qui accompagne celui qui pèche. C’est ce même poison que le serpent a injecté à Eve.

(4) : Hébreu.

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