Cantique des Cantiques Trad. Vuillaud

Cantique des Cantiques, traduction de Vuillaud. 

Le texte présenté ici est tiré d’une réédition, aux Éditions d’Aujourd’hui dans la collection « Les introuvables » de l’ouvrage publié en 1925 aux Presses Universitaires de France.

Le Cantique des Cantiques, de Salomon

I

2. Qu’il me baise des baisers de sa bouche !

– Ton amour est meilleur que le vin (1) ;

3. Ton parfum est d’une odeur suave, ton nom est un baume répandu, c’est pourquoi les jeunes filles t’aiment (2).

4. Entraîne-moi ! Nous courrons ensemble ! Le roi m’a fait entrer dans ses appartements (3). Nous exulterons et nous nous réjouirons en toi. Nous célébrerons ton amour plus que le vin. Il est juste de t’aimer.

5. Je suis noire, mais belle, filles de Jérusalem ; (noire) comme les tentes de Kédar, (belle) comme les pavillons de Salomon (4).

6. Ne me méprisez pas si je suis noircie (5), le soleil m’a brûlée ; mes frères se sont irrités contre moi. Ils m’avaient mise à garder les vignes ; ma vigne, je ne l’ai pas gardée.

7. Dis, Toi, élu de mon cœur, où fais-tu paître, où fais-tu reposer tes troupeaux à midi ? Car pourquoi serais-je comme une femme voilée près des troupeaux de tes compagnons (6) ?

8. Si tu l’ignores, Toi, la plus belle des femmes, suis les traces du troupeau, et mène paître tes chevreaux près des tentes des bergers.

9. A la jument (attelée) au char de Pharaon (7), je te compare ma Bien-Aimée ;

10. Tes joues sont belles dans les perles, ton cou dans les colliers ;

11. Nous te ferons des colliers d’or pointillés d’argent

12. Tandis que le roi était dans son lieu de repos (8), mon nard a exhalé son parfum.

13. Mon Bien-Aimé est pour moi un sachet de myrrhe posé entre mes seins.

14. Mon Bien-Aimé est pour moi une grappe de cyprès dans les baumiers d’En-Gueddi.

15. Que tu es belle, ma Bien-Aimée, que tu es belle ! Tes yeux sont des colombes.

16. Que tu es beau, mon Bien-Aimé, comme tu es charmant ! Notre lit est verdoyant,

17. Les poutres de notre maison sont de cèdre, les solives de cyprès.

II

1. Je suis un narcisse des champs, une rose des vallées (9).

2. Telle la rose entre les ronces, telle est ma Bien-Aimée entre les jeunes filles.

3. Comme le pommier (10) parmi les arbres des bois, tel est mon Bien-Aimé parmi les jeunes hommes ; à son ombre j’ai désiré m’asseoir, et son fruit est doux à ma bouche.

4. Il m’a introduit dans le cellier et son enseigne, au-dessus de moi, fut « Amour (11) ».

5. Ranimez-moi avec des gâteaux raisinés, fortifiez-moi avec des fruits, car je languis d’amour (12).

6. Sa main gauche sous ma tête, que sa droite m’enlace !

7. Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, n’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour avant qu’il ne le veuille (13).

8. Écoutez !… Mon Bien-Aimé l… Le voici. Il vient, bondissant sur les montagnes, franchissant les collines.

9. Pareil au chevreuil, mon Bien-Aimé, au faon de la biche. Le voilà ! Debout derrière notre mur. Il regarde par la fenêtre, son œil brille à travers le grillage.

10. Il parle, mon Bien-Aimé. Il me dit : Lève-toi, mon Amour, ma Belle, et viens

11. Car voici l’hiver passé, la saison des pluies est finie. Elle s’en est allée ;

12. Les fleurs ont paru dans les champs, l’époque de l’émondage est venue et la voix de la tourterelle s’est fait entendre dans nos campagnes (14) ;

13. Les fruits du figuier mûrissent, les vignes en fleur embaument. Lève-toi, mon Amour, ma Belle, et viens !

14. Ma colombe se retire dans les fentes du rocher, dans les cachettes de l’escarpement. – Montre-moi ton visage, fais entendre ta voix, car ta voix est douce et ton visage est beau.

15. Prenez-nous les renards, les petits renards, détruisant les vignobles, et nos vignes sont en fleur.

16. Mon Bien-Aimé est à moi,* et je suis à lui qui fait paître parmi les roses.

17. Tandis que le jour souffle (se lève) et que les ombres s’enfuient, retourne. Sois semblable, mon Bien-Aimé, au chevreuil ou au faon de la biche sur les  » monts de la Séparation (15) ».

III

1. Sur ma couche, la nuit, j’ai cherché mon Aimé d’amour, et je ne l’ai pas trouvé.

2. Je me lèverai donc et je parcourrai les rues et les places de la ville, j’y rechercherai mon Aimé d’amour… Je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé.

3. Les gardiens, en faisant la ronde, m’ont rencontrée. – Avez-vous aperçu mon Aimé d’amour ?

4. À peine les avais-je dépassés que j’ai trouvé le Bien-Aimé de mon cœur. Je l’ai saisi ; je ne le quitterai plus que je ne l’aie introduit chez ma mère et dans la chambre de celle qui m’a engendrée.

5. Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, n’éveillez pas, ne provoquez pas l’amour jusqu’à ce qu’il ne le veuille.

6. Qu’est-ce qui (16) s’élève du désert comme une colonne de fumée, embaumée de myrrhe, d’encens et de toutes sortes de parfums ?

7. C’est la litière de Salomon, entourée de soixante vaillants d’entre les puissants d’Israël ;

8. Tous portent l’épée, exercés au combat. Chacun a son épée sur la hanche par crainte de la nuit.

9. Le roi Salomon s’est fait faire un lit nuptial en bois du Liban.

10. Avec des colonnes d’argent, son dais en or, son siège de pourpre, le milieu est gracieusement tissé par les filles de Jérusalem (17).

11. Sortez, filles de Sion, et regardez le roi Salomon avec le diadème dont sa mère l’a couronné le jour de ses noces, le jour de la joie de son cœur.

IV

1. Que tu es belle, ma Bien-Aimée, que tu es belle ! Tes yeux, à travers ton voile, sont des colombes. Ta chevelure est un troupeau de chèvres couchées sur la montagne de Guiléad (18);

2. Tes dents sont un troupeau de brebis tondues remontent du bain, toutes sont mères de jumeaux (19) aucune n’est stérile ;

3. Tes lèvres sont des bandelettes d’écarlate et ta voix (20) est agréable ; tes joues (21), sous ton voile, sont des moitiés de grenade ;

4. Ton cou est la tour de David bâtie pour les trophées, mille boucliers y sont suspendus, tous les carquois (22) des braves ;

5. Tes seins sont deux faons jumeaux de biche paissant parmi les roses.

6. Lorsque le jour soufflera et que les ombres disparaîtront, j’irai au « mont de la Myrrhe » et à la « colline de l’Encens ».

7. Tu es toute beauté, ma Bien-Aimée, tu n’as aucun défaut.

8. Vers moi du Liban, Épouse, vers moi du Liban, tu viendras : tu regarderas du sommet d’Amanâ, du sommet du Schenir et du Hermon, des repaires de lions, des montagnes de léopards.

9. Tu as ravi mon cœur, ma Sœur, mon Épouse, tu as ravi mon cœur d’un regard, par un collier de ton cou.

10. Qu’il est beau ton amour, ma Sœur, mon Épouse ! Il est meilleur que le vin, ton amour ! Et l’odeur de ton parfum préférable à tous les aromates (23) !

11. Tes lèvres, Bien-Aimée, distillent le miel ; le miel et le lait sont sous ta langue, et l’odeur de ton vêtement a le parfum du Liban ;

12. Ma sœur, mon Épouse, (tu es) un jardin fermé, une source close, une fontaine scellée ;

13. Tes plantes forment un verger de grenadiers et d’autres fruits délicieux, de cyprès et de nards ;

14. Le nard et le safran, la cannelle et le cinnamome avec toutes sortes d’arbres à encens : myrrhe et aloès, avec tous les aromates précieux ;

15. Une source de jardin, une fontaine d’eau vive et les ruisseaux du Liban !

16. Lève-toi, Aquilon; accours, Autan ! Soufflez sur mon jardin, que ses parfums se diffusent ! Que mon Bien-Aimé vienne dans son jardin et mange de ses fruits exquis !

V

1. Je suis venu dans mon jardin, ma Sœur, mon Épouse, j’ai recueilli ma myrrhe et mes aromates. J’ai mangé mon miel avec mes dattes (24). J’ai bu mon vin et mon lait. Mangez, amis, buvez et enivrez-vous, mes amis (25).

2. Je dors, mais mon cœur veille. J’entends mon Bien-Aimé qui frappe à la porte. – Ouvre-moi, ma Sœur, mon Aimée, ma Colombe, ma Toute-Belle, car nia tête est couverte de rosée ; mes boucles, de la bruine de la nuit.

3. J’ai ôté ma robe, comment la remettrais-je ? J’ai lavé mes pieds, comment les salirais-je ?

4. Mon Bien-Aimé a mis la main à l’huis ; mes entrailles ont tressailli (26).

5. Je me suis levée, Moi, pour ouvrir à mon Bien-Aimé, et mes mains ont distillé la myrrhe, et de mes doigts la myrrhe la plus pure a coulé sur la poignée du verrou.

6. J’ai ouvert, Moi, à mon Bien-Aimé ; mon Bien-Aimé s’était éloigné, il avait disparu. J’étais transportée à sa parole; je l’ai cherché et je ne l’ai pas trouvé; je l’ai appelé, mais il ne m’a pas répondu.

7. Ils m’ont rencontrée, les gardes qui font la ronde à travers la ville ; ils m’ont frappée, blessée ; ils m’ont enlevé mon voile, les gardiens des remparts.

8. Je vous adjure, filles de Jérusalem, si vous rencontrez mon Bien-Aimé, que lui direz-vous ? – Dites-lui que je languis d’amour.

9. Qui est-il ton Bien-Aimé, le plus aimé, ô la plus belle des femmes ? Qui est-il ton Bien-Aimé, le plus aimé pour que tu nous adjures ainsi ?

10. Mon Bien-Aimé est blanc et rouge, comme l’étendard entre dix mille ;

11. Sa tête est comme l’or très pur ; ses cheveux (27) tressés pendent, noirs comme le corbeau;

12. Ses yeux sont des colombes près des sources, baignées dans le lait, assises dans leur plénitude ;

13. Ses joues sont un parterre d’aromates, des vases de parfums ; ses lèvres sont des roses distillant la myrrhe la plus pure ;

14. Ses mains sont des cylindres d’or garnis de chrysolithes ; sa poitrine a la pureté de l’ivoire incrusté de saphirs ;

15. Ses jambes sont des colonnes de marbre posées sur des bases en or pur ; son aspect, tel celui du Liban, est superbe comme les cèdres ;

16. Sa bouche est la douceur même ; il est tout entier désirable ; tel est mon Bien-Aimé, tel est mon Amour, filles de Jérusalem.

VI

1. Où est-il allé, ton Bien-Aimé, ma Toute-Belle d’entre les femmes ; de quel côté s’est dirigé ton Bien-Aimé pour que nous le cherchions avec toi ?

2. Mon Bien-Aimé est descendu dans son jardin, au parterre aromatique, pour paître dans les jardins et cueillir les roses.

3. Je suis à mon Bien-Aimé, et mon Bien-Aimé est à moi ; il fait paître parmi les roses.

4. Tu es belle, mon Amie, comme Tirtsa, charmante comme Jérusalem, formidable comme les étendards.

5. Détourne tes yeux de Moi, car ils m’ont rendu orgueilleux ; ta chevelure est un troupeau de chèvres accroupies sur les flancs du Guiléad ;

6. Tes dents sont un troupeau de brebis qui reviennent du bain, toutes portant des jumeaux, aucune n’est stérile ;

7. Tes joues, sous ton voile, sont des moitiés de grenade.

8. Les reines sont soixante, les concubines (28) quatre vingts, les vierges sans nombre.

9. Unique est ma Colombe, ma Parfaite. Elle est unique pour sa mère. Elle est la préférée pour celle qui l’a enfantée. Les jeunes filles l’ont vue et l’ont félicitée, les reines et les concubines l’ont complimentée.

10. Qui est celle qui paraît comme l’aurore, qui est belle comme la lune, éclatante comme le soleil, formidable comme une armée ?

11. Je suis descendu au jardin des noyers, pour voir les herbes nouvelles de la vallée, pour voir si la vigne bourgeonne, si les grenadiers fleurissent.

12. Je ne sais, mon cœur m’a donné la rapidité des chars de mon noble peuple (29).

VII

1. Reviens, reviens, Sulamite ! Reviens, reviens, que nous te regardions ! – Que voyez-vous dans la Sulamite

? – Une danse de Mehanaïm (30).

2. Que tes pieds sont beaux dans tes sandales, Princesse ! Les contours de tes jambes sont des colonnes faites par un artiste.

3. Ton nombril est une coule ronde dans laquelle le vin mixtionné ne manque jamais : ton ventre est un monceau de froment entouré de roses (31);

4. Tes seins sont deux faons jumeaux (la gazelle ;

5. Ton cou est une tour d’ivoire ; tes yeux les piscines d’Heschbon, près de la porte de Bath Rabbin ; ton nez est la tour du Liban, regardant Damas ;

6. Ta tête est un Carmel et tes cheveux sont des fils de pourpre, un roi enchâssé dans ses tresses !

7. Que tu es belle ; que tu es suave ; mon Amour, en toutes tes délices !

8. Ta taille ressemble au palmier, tes seins à des grappes.

9. J’ai dit : je monterai sur ce palmier. J’en saisirai les branches. Que tes seins soient comme les grappes de la vigne et ton haleine comme l’odeur des pommiers (32) !

10. Que ta parole (33) soit comme un vin excellent coulant tout droit de mon Bien-aimé, faisant bégayer les lèvres de ceux qui s’endorment.

11. Je suis à mon Bien-Aimè l’objet de son désir.

12. Viens, mon Bien-Aimé, sortons dans la campagne, passons la nuit dans les villages.

13. Nous nous lèverons de grand matin pour voir les vignes, nous verrons si les vignes bourgeonnent, si les fleurs s’entrouvrent, si les grenadiers fleurissent ; là, je te donnerai mon Amour.

14. Les mandragores (34) exhalent leur parfum ; à notre porte il y a toutes sortes de fruits exquis, des frais et des secs. Bien-Aimé, je les ai conservés pour Toi.

Cantique des Cantiques, traduction de Vuillaud. 
Plafond de l’opéra Garnier, Marc Chagall.

VIII

1. Qui te rendra comme un frère pour moi, que ma mère a nourri ; je te rencontrerais dehors, je t’embrasserais sans que l’on me méprise.

2. Je t’emmènerais, je te ferais entrer chez ma mère, tu m’instruirais, je te ferais boire du vin aromatisé, mixtionné du suc de mes grenades.

3. Sa main gauche, sous ma tête, et sa droite m’enlace.

4. Je vous adjure, filles de Jérusalem, de ne pas éveiller, de ne pas exciter l’amour jusqu’à ce qu’il le veuille.

5. Qui est celle qui monte du désert appuyée sur son Bien Aimé ? Sous le pommier, je l’ai réveillé. Là, ta mère t’a mis au monde, elle t’a conçu, elle t’a enfanté (35).

6. Place-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras, car l’amour est violent comme la mort ; la jalousie inflexible comme le sépulcre, ses traits sont des traits du plus ardent des feux.

7. Les grandes eaux ne pourraient éteindre l’amour, ni les fleuves le noyer. Si quelqu’un donnait toutes ses richesses en échange de l’amour, il serait méprisé.

8. Notre sœur est petite et n’a pas (encore) de mamelles. Que ferons-nous de notre sœur lorsqu’il sera parlé d’elle

9. Si c’est un mur, nous bâtirons un fort d’argent dessus ; si c’est une porte, nous y appliquerons des dais de cèdre.

10. Je suis un mur et mes seins sont comme des tours ; je suis comme celle qui a trouvé la paix.

11. Salomon avait une vigne à Baal Hâmon, il a donné sa vigne à ses fermiers, chacun apporte pour son fruit mille pièces d’argent.

12. Ma vigne, à moi, est sous ma garde ; les mille pièces sont pour toi, Salomon, et deux cents pour les fermiers.

13. 0 toi qui habites dans les jardins, tes amis sont prêts à t’écouter, fais-moi entendre ta voix.

14. Fuis, Bien-Aimé, sois semblable au cerf ou au faon de la biche sur le  » mont des Aromates »

Lire plus sur le sujet :

Cantique des Cantiques, traduction de Vuillaud. 

Gustave Moreau / Public domain

*****

Notes

(1) Le changement de temps et de mode cause de la surprise à maints philologues; suivant la coutume moderne, en un tel cas, on prend le parti de modifier le texte. Le P. Jouon avoue que cette modification lui paraît naturelle. (Cf. Le Cantique des Cantiques, p. 126.) Je préfère m’en tenir à l’axiome grammatical Enallagen temporum apud Ebraeos esse usitatissimum.

(2) Si le mot pucelles n’était pas tombé dans le discrédit, c’est celui qui conviendrait, puisqu’on attribue à celui de vierge un sens religieux.

(3) Certains traducteurs interprètent le passé pour le futur : Le roi me fera entrer. D’autres emploient l’optatif : Que le roi m’introduise !

(4) Kédar fut un fils d’Ismaël, ses descendants sont appelés Ismaélites ou Agaréniens d’après leur origine d’Agar la servante d’Abraham. Ils habitaient des tentes, subissant la chaleur et les intempéries, tandis que les pavillons de Salomon sont blancs et beaux.

(5) Ginsburg note : adjectives denoting colour have frequently the last two stem letters repeated to render them diminutives. Il cite des exemples de l’Écriture pour confirmer cette observation. Mais Louis de Veil rappelle que cette répétition indique un superlatif. Et il cite également l’Écriture : Idphidphiid mibenè Adam. (Tu es le plus beau des hommes). (Ps. LXV, 3.) La philologie nous laisse, ici comme ailleurs, dans l’incertitude. Louis de Veil était un Juif que Bossuet convertit au Catholicisme et qui l’abandonna pour l’Anglicanisme. Son frère en fit autant.

(6) Le mot voilée signifie souvent prostituée. On peut interpréter ce mot (hotiâ) par errante.

(7) Des interprètes prennent le Yod de Iessoussathi (ma jument) pour paragogique et traduisent : à la jument dans le char du Pharaon. Ce sens me paraît préférable et autorisé par d’autres passages de l’Écriture : Gen. XLIX, 2 ; Michée, VII, 8. Pour Raschi, le mot soussa indiquerait une multitude de chevaux, c’est-à-dire la « chavallerie ». On sait que dans les commentaires du fameux rabbin de Troyes il y a beaucoup de mots en français de l’époque.

(8) C’est-à-dire : à table.

(9) Les traducteurs sont partagés sur le sens du mot habetseleth. Est-ce le narcisse, la rose, le lys ? Ginsburg donne des raisons grammaticales pour traduire simplement par fleur, et il réserve le mot lys pour traduire schoschanah. Au contraire, je me détermine à traduire ce terme par celui de rose, car, dans la symbolique juive, la rose désigne le plus fréquemment Israël.

(10) Pommier ou oranger, citronnier

(11) D’après Huart, la représentation symbolique de l’amour est l’enseigne des cabarets. On s’expliquerait mieux cette expression du Cantique en se rappelant que les douze tribus d’Israël étaient groupées en légions et que chaque corps d’armée avait un drapeau. Notre texte signifie donc : la bannière développée au-dessus de la Bien-Aimée avait l’amour pour symbole.

(12) Le mot aschischoth est très discuté. D’après Osée III, 1, je me décide pour gâteaux raisinés. La tradition mystique donne à ce terme, entre autres significations, le sens de coupes de vin, que l’on peut déjà prendre au littéral.  » Quand la coupe est remplie de vin, d’après la mystique, elle attire les bénédictions par la médiation d’un des degrés (Sephiroth) célestes, qui est le Juste (Hé). L’Écriture parle de coupes de vin et de fruits pour indiquer l’union de la Rigueur (Binah) et de la Clémence (Hochmah). (Zohar, 40 a.) D’après une autre interprétation mystique, on lirait : Soutenez-moi avec des feux. On traduit ainsi en faisant dériver aschischoth de esch, feu.

(13) On attribue généralement ces paroles à l’Époux. Identifiant l’amour avec l’objet aimé, c’est-à-dire l’Épouse, il faudrait donc lire :  » Ne réveillez pas la Bien-Aimée avant qu’elle ne le veuille. « 

(14) De nombreux traducteurs traduisent zamir par chant. On peut aussi traduire par taille (de la vigne). V. Gésénius, Dict., éd. Migne, p. 179.

(15) S’il est permis, comme je le crois, de tenir compte pour traduire ce verset difficile, du parallélisme de IV, 6, on pourrait lire :  » Quand le jour soufflera et les ombres disparaîtront, retourne, semblable au chevreuil, etc.  » C’est dans cet esprit que Ginsburg traduit :  » When the day cools and the shadows flee away; Return, haste, O my beloved, like the gazelle, etc. « 

(16) Il n’est pas absolu, malgré l’affirmation d’éminents hébraïsants, que Mi désigne une personne, c’est-à-dire Qui. Ce terme désigne également les choseslorsque la notion de personnes est en elles. La tradition mystique donne la lecture Mi. Car, pour elle, Mi (= Qui) et Zoth (= Celle-ci) désignent les deux saintetés de toute éternité (Sephiroth) unies par un trait d’union unique. (Cf. Zohar,1,10).

(17) Traduction de A Révile :  » Et au milieu doit briller une amante choisie parmi les filles de Jérusalem.  » Traduction Renan :  » Au centre, brille une belle, choisie entre les filles de Jérusalem. « 

(18) Allusion au fait que la chevelure de la fiancée était ondulée avant la cérémonie nuptiale.

(19) C’est-à-dire qu’elles sont appareillées.

(20) Raschi donne en vieux français : ) (parler).

(21) Raschi, en vieux français : (pommettes).

(22) Raschi, en vieux français : (carquois).

(23) Cette expression par opposition de  » Ma soeur, une épouse « , a donné aux rationalistes l’occasion de quelques sottes réflexions. Elle appartient tout simplement au langage de la tendresse. Rappelons à ce propos les vers de Racine oubliés par nos éminents érudits :

Esther ! que craignez-vous ? Suis-je pas votre frère ?

Est-ce pour vous qu’est fait un ordre si sévère ?

Ne connaissez-vous pas la voix de votre époux ?

Encore un cour, vivez et revenez à vous.

(Esther, Acte II, se. vu.)

(24) Je suis les observations de Le Cène. Cf. Projet d’une nouvelle version de la Bible, 1705, p. 196.

(25) C’est-à-dire : rassasiez-vous. L’hébreu ne connaît pas toutes les nuances.

(26) Le mot mehaï ne peut pas être pris au sens physique, il désigne le siège des émotions. On traduirait équivalemment par cœur. Du fait que les mots ouverture (hor) et entrailles (mehaï) sont en relations de cause à effet, certaines gens ont cru spirituel d’imaginer qu’il s’agit d’un rapport organique entre l’ouverture et les entrailles de l’Épouse. Une telle déduction n’est pas spirituelle, elle est absolument imbécile. Le sens obscène que l’on s’est ainsi efforcé de trouver dans ce verset ne serait pas logique avec le verset suivant où l’Épouse dit qu’elle s’est h se pour ouvrir (la porte) à son bien-aimé.

(27). Raschi, en français : (pendiloches). [Je n’ai trouvé ce mot dans aucun dictionnaire ! Note RD]

(28) Concubines désigne des épouses légitimes de second rang.

(29) Texte incompréhensible.

(30) Intraduisible.

(31) D’après Grotius :  » in Oriente umbilicus baisamo et rebus similibus perfundere solitos fuisse, partira v-aletudinis, partira deliciaruin causa.

(.32) Ou orangers, citronniers.

(33) Textuellement : ta bouche.

(34) Les mandragores ont des fleurs très odoriférantes, blanches et rouges. De même, le Bien-Aimé est blanc et rouge, la rose et le lys sont blancs et rouges.

(35) Ces vers font allusion à une coutume de l’antiquité. Stace la rappelle au livre IV de sa Thébaïde :

Arcades huit veteres, astris lunaque priores,

Agraina fida datis ; nemorum quos stirpe rigenti

Fama satos, quum prima pedum vestigia tellus

Admirais, tulit : nondum arva, domusque, nec urbes,

Connubiisque modus : quercus, laurique ferebant

Cruda puerperia, ac populos umbrosa creavit

Fraxinus et foeta viridis puer excidit orno.

(Les fidèles Arcadiens l’accompagnent, ces Arcadiens, antérieurs à la lune et aux astres, que l’on prétend sortis des arbres verdoyants à l’époque où la terre, saisie d’étonnement, se vit foulée pour la première fois par des pieds humains. Il n’y avait encore ni terres labourées, ni maisons, ni villes, ni mariages en règle le chêne et le laurier étaient les berceaux de la race humaine ; et le frêne, sous ses rameaux touffus, enfantait des peuplades qui semblaient s’échapper de sa dure écorce.)

Il est curieux que cette analogie ait été inaperçue de Grotius.

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