Un dossier sur la Méditation Kabbalistique par Spartakus FreeMann.
Méthode de méditation et de Kabbale prophétique.
Voici deux courtes méthodes de méditation et de Kabbale prophétique (divinatoire et théurgique) sur les lettres. Nous avons parlé ailleurs de la méditation des lettres – et principalement des procédés de tserouf d’Aboulafia – mais il existe d’autres méthodes plus accessibles et que l’étudiant peut pratiquer facilement.
Ces méthodes nous sont personnelles. Elles fonctionnent pour nous et nous pensons qu’elles peuvent également fonctionner pour d’autres. Nous partageons donc ici notre connaissance dans l’espoir d’aider ceux qui voudraient entrer sur la Voie de la Kabbale méditative.
Nous vous invitons à chercher vos propres méthodes à partir de ce qui suit. Nous ne donnons qu’une piste qui est loin d’être un dogme à suivre les yeux fermés, mais qui demande à être vécu, analysé et adapté aux besoins et à la personnalité de chacun.
Prospéro, Toulouse, janvier 1983.
1 – Les 22 Authioth de cuir.
Il faut préalablement se procurer un morceau de cuir de 44cm par 44cm. Découpez ensuite en 22 carrés de 2cm de côté. Avec de l’encre noire, calligraphiez les 22 lettres de l’alphabet hébreu sur les 22 morceaux de cuir.
Placez ces morceaux de cuir dans un sac de toile.
Vous devez disposer également d’un lexique hébreu-francais, d’une bougie blanche, d’un carnet vierge.
Étape préparatoire : allumez la bougie, assis en tailleur sur le sol, méditez pendant quelques minutes afin de calmer votre esprit et de la concentrer sur le travail à accomplir. Priez Dieu de vous assister dans cette oeuvre et de vous ouvrir la compréhension de l’intimité des lettres. La prière du Ari peut être d’une aide certaine.
Travail : ouvrez le sac de toile et prenez-en trois morceaux de cuir, l’un après l’autre. Disposez-les sur le sol devant vous dans l’ordre dans lequel vous les avez tirés. Inscrivez le résultat du tirage dans le carnet. Inscrivez également les permutations possibles des trois lettres sous la forme d’un carré.
Refermez votre carnet et gravez dans votre esprit les trois lettres. Fermez les yeux et « jouez » avec les lettres dans votre esprit. Regardez-les se mouvoir, interagir les unes avec les autres, cherchez à dégager un sans au travers de leur danse. Essayez de découvrir la valeur intime de chaque lettre individuellement puis collectivement. Associez-les avec des couleurs, des sons, des souvenirs. Laissez votre esprit libre des associations qu’il produira. Ce « jeu » doit durer plus ou moins longtemps – 1 heure étant le minimum pour commencer. Ce « jeu » doit être un rêve lucide, et il doit permettre l’accès aux couches les plus profondes de la psyché ainsi qu’un contact avec les sphères supérieures.
Notez vos découvertes dans votre carnet. Cherchez alors dans le lexique une signification possible de votre tirage initial ainsi que des permutations. Comparez vos résultats avec ce les éléments de votre méditation. Avec de la chance, vos trois lettres vous conduiront vers un mot de pouvoir ou un Nom Divin. Si tel est le cas, lisez alors le psaume se rapportant aux trois lettres ou au Nom Divin.
Notez vos conclusions finales dans le carnet.
Cet exercice doit se dérouler avant le sommeil, et l’on devrait alors expérimenter lors de celui-ci une interaction entre la méditation et le rêve. Si vous obtenez des « illuminations » durant votre sommeil, notez-les directement dans votre carnet. Le lendemain matin, relisez vos notes et essayez de découvrir le lien entre les trois lettres du tirage et les événements de la journée que vous allez vivre.
Dans le prolongement de cet exercice, il peut être utile de peindre les trois lettres du tirage avec le code couleur qui vous aura été communiqué. Ce « qamiah » peut alors devenir un support à une méditation ultérieure.
Pour ceux qui sont plus experts dans les techniques de la méditation et du rêve « lucide », on peut faire le tirage avant l’endormissement, en gravant les trois lettres dans son esprit et en les intégrants à ses rêves.
2- La Roue des Authioth
Cet exercice est basé sur les 22 morceaux de cuir portant les 22 lettres de l’alphabet, mais, ici, le tirage se fait en trois étapes. Vous aurez besoin également d’une grande feuille blanche ou d’un grand morceau de tissu blanc et d’un pinceau et d’encre noire et du Livre des Psaumes. Commencez comme décrit dans le premier exercice. Ensuite, opérez un premier tirage et inscrivez les trois lettres dans votre carnet. Replacez les lettres dans le sac. Faites un deuxième tirage et inscrivez les lettres dans le carnet. Replacez les lettres dans le sac et opérez un troisième tirage dont vous inscrirez le résultat dans votre carnet.
Calligraphiez alors les lettres sur la feuille blanche – ou la toile – sous la forme d’un cercle. Les trois lettres du premier tirage vers la gauche du cercle, celles du deuxième tirage vers la droite et celles du troisième vers le bas.
Placez la feuille – ou la toile – sur le mur devant vous. Asseyez-vous, fixez alors le cercle en adoptant une respiration régulière et calme. Videz votre esprit de toute pensée autre que celle de vous concentrer sur les lettres. Laissez les lettres se mouvoir librement tout d’abord. Puis, associez les deux à deux, notez les résultats sur votre carnet. Associez ensuite les lettres trois à trois et notez les résultats dans votre carnet. Essayez d’obtenir 7 ou 8 résultats au maximum. Méditez alors sur le résultat de votre recherche.
Après 1 heure maximum de pratiques, arrêtez. Fermez les yeux et faites le vide en vous.
Fermez votre carnet, et prenez votre livre des Psaumes. Priez Dieu de vous octroyer la grâce de pénétrer dans le secret des Lettres selon la prière qui vous est favorable. Fixez à nouveau le cercle des lettres. A la première association de trois lettres que votre esprit « comprendra », additionnez-en la valeur numérique et référez-vous au Psaume qui s’y rapporte (ainsi si la somme est 30, ouvrez votre livre au psaume 30). Lisez et méditez alors ce psaume.
Il est à noter les éléments suivant quant à la réduction de la valeur des lettres. Il est fort possible que les résultats soient supérieurs à 150 (le nombre de Psaumes). En fait, vous pouvez procéder par la méthode simple : les unités restent inchangées, les dizaines « doubles » sont réduites à l’unité – c’est-à-dire que si le résultat dépasse 150 on réduit la valeur des lettres à l’unité, les centaines sont réduites à la dizaine ou à l’unité. Par exemple, on tire Aleph, puis Shin puis Resh, 1 300 200, on réduit alors à 1 30 20. Si l’on tire Mem, Mem, Qof, 40 40 100, on réduit en 40 40 10. Etc. La seconde méthode simple consiste à donner la valeur simple à la lettre. Ainsi, si l’on tire Tav, Shin, Beth on obtient 22 21 2. La méthode complexe sort du cadre de ce travail.
De la méditation au sein de la Kabbale : Prophétisme, Yihudim et Kavanot.
Nous allons essayer de donner ici une vue de deux systèmes de méditation kabbalistiques : le système prophétique et le système de la Kavanot de l’école du Ari. Ce court texte se veut un avertissement à ceux qui décident d’entrer sur le chemin de la voie méditative. Cette voie n’est pas sans danger – et particulièrement celle qui se base une extériorisation des Noms Divins – mais elle a influencé nombre de pratiques contemporaines : le martinézisme puise grandement dans l’utilisation de la prière et dans la vocalisation des Noms Divin, le martinisme préfère la voie de la prière silencieuse du coeur…
L’école de la Kabbale Prophétique – illustrée par les techniques d’Abraham Aboulafia, de Cordovéro, de Sefardi et du Baal Shem Tov – est sans doute la plus ancienne, déjà aux temps Talmudiques, cette Kabbale était nommée Ma’aseh Merkavah. Elle se concentre plus particulièrement sur les méditations portant sur la récitation de lettres et de leurs permutations, ainsi que sur l’utilisation des Saints Noms. Son but est d’atteindre une union individuelle avec Dieu et d’acquérir un niveau spirituel proche du prophétisme. Cette école ne s’occupe pas des attributions séphirotiques ou de l’interaction entre les Sephiroth et l’homme, elle se “contente” de permuter et de réciter des Noms qui sont construits sur base de versets de la Torah.
Ceux qui méditent en utilisant le Sepher Yetzirah se rapprochent de l’école prophétique mais leur but est d’amener des modifications au sein de la Création par la manipulation des lettres éthériques qui sont l’essence des lettres physiques.
Le système de Kabbalistes comme le Ari ou Rashash se concentre sur une direction toute différente. Alors que l’école prophétique s’occupe de vocalisations des lettres, ces derniers Kabbalistes, eux, se concentrent sur la contemplation non verbale des interactions des Sephiroth. Alors que le but de l’école prophétique est d’obtenir un bienfait personnel, le but de l’école du Ari est d’obtenir un bénéfice collectif.
Dans l’école du Ari, il y a deux formes de médiation : la Yihudim et la Kavanot. La Yihudim consiste en un ensemble d’images mentales constituées de Noms Divins qui représentent l’intégration séphirotique. Le Kabbaliste contemple sans interruption ces images mentalement et en silence, tout au long de la journée et tout particulièrement avant l’aube.
Le second type de méditation qui était pratiquée par l’école du Ari est basé sur les Kavanot, des contemplations mentales des interactions sephirotiques par l’utilisation de la prière. Le but des Kavanot est de manipuler le flux d’énergie spirituelle, le Shefa, qui se meut de haut en bas et de bas en haut au sein de l’Arbre de Vie. Cette méditation est censée offrir une plus grande compréhension de l’Unité de Dieu au travers de l’Arbre de Vie.
La prière en elle-même n’est pas de la méditation. La méditation cherche à faire descendre la Lumière Divine au sein de celui qui médite. La prière est presque l’opposé dans le sens où elle cherche à élever ou à restaurer la Lumière Divine du Créateur pour le bienfait de tous. Une fois la Lumière Divine supérieure restaurée, une bénédiction peut alors être reçue dans ce monde. Ce processus a un but premier qui est collectif mais également un but secondaire qui est le bien de l’individu.
Rabbi Haim Vital (Sefer Olat ha-Tamid 4b) : “Sache que rien n’existe dans toute la création qui ne soit pas un aspect des sept rois qui moururent dans le pays d’Edom (Gen. 36). Tous les mondes, tous sont des aspects de ces rois. Si ces rois n’étaient pas morts et par conséquent annulés, faisant d’eux la source des klipot (coquilles), ils auraient pu se purifier et se rectifier par eux-mêmes. Cependant, ils moururent, ils furent réduits à néant et devinrent la source des klipot. Ainsi, toute sainteté résiduelle en eux doit être rectifiée, purifiée, nettoyée afin que seul le refus, qui sont les véritables klipot restent en bas. Lorsque ce processus de purification et de nettoyage sera terminé, il ne restera aucune étincelle de sainteté dans le monde d’en bas, car toutes les étincelles de sainteté auront été élevées. Alors, le refus, la véritable klipot restera en bas, sans aucune vie.
Ainsi sera accompli ce verset “Il détruira la mort pour toujours” (Is. 25.8). Cela ne sera qu’après la venue du Messie.
A présent, il est impossible de réparer toutes les étincelles de sainteté des klipot à moins qu’un individu ne pratique l’action de purification. Par des prières et des actions adéquates de l’humanité, la réparation est opérée par les dix Sephiroth supernelles d’Atziluth.
Ceux qui sont en bas ont toujours besoin de l’aide d’en haut afin de compléter ce qu’ils ont à faire. Les puissances d’en haut ont également besoin de celles d’en bas, comme il est écrit “Donnez toute force à Dieu” (Psaume 68.35).
C’est le pouvoir de la prière qui est la chose essentielle, le principe et l’essence de ce dont nous discutons ici. Rien ne fonctionne mieux pour réparer les récipients déchus que la prière. Par conséquent, les Sages ont enseignés “la prière est une des choses les plus grandes dans le monde” (Berakoth 6b). Car par la prière l’humanité opère l’union des Sephiroth supérieures et par là les rois sont purifiés et élevés”.
Le but de ces interactions sephirotiques, selon Rabbi Haim, est d’amener l’union des Sephiroth (des Parzufim ou Visages). Ces unions sont également nommées Yihudim mais, elles ont pour but de rectifier les Penimiyut (mondes internes) des mondes généraux et non leurs Hitzoniyut (mondes externes) comme dans les Yehudim précédentes. Ce système de Kavanot diffère donc de l’école prophétique par son caractère collectif.
Dans le système du Ari, jamais aucun Nom divin n’est prononcé, car selon lui, toute mention verbale des Saints Noms ne pourrait avoir que l’effet inverse à celui recherché. Les Kavanot utilisent les Saints Noms comme images mentales afin de schématiser les interactions séphirotiques. Par la force de la pensée, ces interactions ont réellement lieu dans les royaumes séphirotiques. Réciter tout haut les Saint Noms reviendrait donc à transformer des penimiyut (mondes internes) en hitzoniyut (mondes externes) et donc à interdire toute Yihud (union) mais aussi à causer une séparation (perud).
Les Kavanot se réfèrent au monde métaphysique, le contact humain avec ce monde se fait au travers du penimiyut de l’homme. Dire les Saints Noms revient à faire sortir ces Noms du monde intérieur et en faire des hitzoniyut. Ce qui est l’inverse de la rectification recherchée.
Les Kavanot ont pour but de transformer l’esprit et l’âme et donc le comportement de l’individu. Les penimiyut sont d’abord rectifiées et en retour ils rectifient les hitzoniyut. Réciter les Noms Divins verbalement ferait sortir la sainteté des interactions séphirotiques du royaume spirituel avant leur rectification et réparation.
Les Kavanot concernent l’ascension et la descente du shefa au travers du système des Sephiroth, des parzufim et des Olamot (mondes). Les Siddur de l’école du Ari sont remplis de pages entières de Saints Noms qui schématisent le flux du Shefa au travers des mondes. Les Noms en eux-mêmes ne sont rien de plus que des points de repère qui indiquent à celui qui médite (mikhaven) où il se situe dans l’Arbre par ses prières. Ce sont donc des roadmaps plus que des buts.
Rectifier les penimiyut des mondes signifie que l’on doit sans cesse réaligner les énergies séphirotiques au sein des royaumes métaphysiques. Au sein du système prophétique, qui s’occupe de l’individuel et non du collectif, l’on s’occupe également de rectifier les penimiyut des mondes. Cependant, cette école utilise les sons des lettres comme moyen d’oeuvrer de l’extérieur vers l’intérieur. Les sons des lettres se réverbèrent profondément dans notre psyché, provoquant alors des changements au sein de la conscience individuelle. En rectifiant l’âme individuelle on affecte également le collectif. Car il n’y a aucune âme qui ne soit un microcosme du collectif.
Cependant, l’école prophétique ne cherche nullement à manipuler le Shefa dans les Sephiroth par les récitations de lettres, de voyelles ou de combinaisons.
Il est à noter que bien que ces deux systèmes diffèrent, ils sont aussi valables l’un que l’autre. Attention toutefois avec le système des Kavanot ! A moins de savoir exactement ce que l’on fait, ne jamais l’utiliser, car cela peut engendrer plus de mal spirituel que de bien. Les Kavanot sont très complexes et l’on ne peut prendre un Siddur kabbalistique, lire une page et entreprendre le travail sans préparation et sans connaissance. Les erreurs de jugement, les errements de l’âme et de l’esprit, la folie peuvent survenir ! Il y a une méthode d’utilisation des Kavanot, des “formules” à appliquer à la lettre, il y a un processus de mise en contact avec les Kavanot qui doit être respecté. La maîtrise du système des Kavanot prend des années et ne peut s’accomplir simplement. De plus, les Kavanot demandent une dévotion et une foi intense, une préparation spirituelle certaine et solide. Ici, les bonnes intentions ne peuvent suffire et l’on doit connaître intégralement tous les aspects des Sephiroth, de leurs attributs, des Sentiers, l’on doit comprendre la nature du Shefa et son mode de voyage au sein de l’Arbre de Vie. Toute erreur au sein de la méditation des Kavanot ne peut mener qu’à une mauvaise diffusion du Shefa et à un déséquilibre des mondes.
Le Mishneh Berurah nous avertit que la méditation des Kavanot est interdite sauf à ceux qui sont versés dans son art et qui ont le coeur pur.
Dans le commentaire du Kaf ha-Haim (98.3) : “Celui qui sait ne pas être capable de remplir tout ceci (les prérequis) ne devrait pas méditer sur les Noms ou pratiquer les Yihudim, il devrait plutôt prier avec la dévotion du coeur…”
Celui qui ne connaît pas l’ordre des Kavanot ne doit jamais les utiliser (Zohar Parashat Terumah 178a). Et le HiDA (Rabbi Hayim David Azulai) en sa Mihazik Berakha (Siman 274b) : “celui qui n’est pas habile en Kabbale ne devrait pas dire ou réciter ou même penser aux secrets écrits dans les Siddur du Ari’zal ou dans d’autres versions courtes”.
Les prières kabbalistiques ne sont pas pour tous. Bien que tout le monde puisse avoir le désir de les apprendre, tout le monde n’a pas l’intelligence, la discipline et les connaissances pour ce faire.
Compléments à la méditation juive : l’hitbodedouth ou prière du coeur.
« Et, le soir, Isaac sortit afin de méditer dans les champs » (Genèse 24.63).
La méditation offre un moyen d’approfondir les différentes facettes de la vie religieuse et d’en découvrir les significations profondes. La méditation permet aussi d’entrer en communication avec la Source même et n’est donc pas un but en soi. La méditation offre la possibilité d’étendre la conscience et la sainteté et le Kabbaliste Eléazar Azikri distingue ainsi l’étude, en tant que pratique pour l’intellect, et la méditation (hitbodedouth qui est, selon Rabbi Nachman de Breslav, « l’expérience divine dans la solitude ») en tant que pratique de l’âme. La méditation nourrit l’âme et détourne la pensée des processus intellectuels afin de nous faire pénétrer dans le monde spirituel.
Dans notre article précédent, nous avons déjà abordé la méditation au niveau Kabbalistique, nous allons parler ici plus particulièrement de la technique de l’Hitbodedouth, dont nous parlions déjà dans les articles sur le Tserouf et Aboulafia. L’hitbodedouth est simplement une manière de parler de notre vie à Dieu, en solitaire, en utilisant les mots de la vie de tous les jours. Kaplan nous rappelle que l’hitbodedouth se rapproche de l’hitbonenuth, qui signifie « auto-compréhension », compréhension de tout ce qui est à la surface des choses et de tout ce qui réside au plus profond de l’être.
Nous espérons ici encore offrir au lecteur une ouverture sur d’autres pratiques kabbalistiques, voire purement spirituelles, qui se détachent bien des fantasmes magicomiques et des délires occulteux habituels.
Que votre méditation vous soit douce…
Un autre Kabbaliste de l’extase nous raconte ceci : « Si un homme fait en sorte que son âme désire selon les méthodes adéquates de l’hitdodedouth, son âme est immergée dans cette lumière et il mourra comme Ben Azzai (kabbaliste qui chercha à atteindre l’état d’avant la chute et de réaliser l’union avec la Shekhinah)« .
Rabbi Nachman (Prières 10-11) : « Le principal moyen par lequel le Rebbe réussit ce qu’il fit était simplement la prière et la supplication devant Dieu. Ce qui l’a aide le plus furent ses prières dans sa langue natale, le yiddish. Il cherchait un lieu retiré et passait tout son temps à exprimer toutes ses pensées à Dieu… Toutes ces prières avaient un but : être plus proche de Dieu« .
« Le Rebbe parla un jour à un jeune homme en l’encourageant à s’isoler et à parler à Dieu avec ses propres mots. Le Rebbe lui dit que c’est ainsi que commence la prière. Au départ, la prière était l’expression individuelle à Dieu de ses pensées et sentiments selon les mots propres à chacun. Rambam (Maimonides) discute de cela dans son code de loi juive au début de la section sur la prière. Il dit que c’était la forme originelle de la prière avant la formalisation de la liturgie par les hommes de la Grande Assemblée (3e siècle av. J.-C. – Rambam, Mishneh Torah, Hilkhot Tefilah 1:2-4). Ce n’est qu’alors qu’un ordre formel fut donné à la prière.
Prenez l’habitude de prier Dieu de toute la profondeur de votre coeur. Utilisez la langue que vous connaissez le mieux. Demandez à Dieu de vous rendre dignes de le servir véritablement. Voilà l’essence de la prière. C’est ainsi que tous les Tzaddikkim atteignent leur niveau d’élévation. » (Rabbi Nachman, Sagesse 229).
L’unique moyen pour retourner aux racines de l’être et de se fondre en l’unité de Dieu est de réduite l’ego à néant. De l’effacer totalement jusqu’à se fondre totalement en l’unité divine. Et le moyen d’arriver à cet état est la pratique de l’Hitbodedouth. Rabbi Nachman nous dit : « La véritable Hitbodedouth est pratiquée dans la profondeur de la nuit, à une heure où tout le monde est libre des liens du monde matériel. Pendant le jour, les gens sont trop occupés à faire attention au monde matériel qui distrait le chercheur spirituel de l’attachement à Dieu. Même s’il est personnellement détaché du monde matériel, le simple fait qu’une autre personne soit occupée par la vanité du monde, rend très difficile l’obtention de la transcendance à ce moment.
L’Hitbodedouth doit être pratiquée en un lieu spécifique en dehors de la cité sur un « chemin solitaire » (Avot 3.5) en un lieu où personne ne va. Car dans un lieu oú, pendant le jour, les gens sont occupés à courir après la vanité du monde, même s’ils ne sont pas là à cette heure, c’est malgré tout une distraction pour l’Hitbodedouth, rendant impossible au chercheur spirituel l’atteinte d’un état de communion totale avec Dieu.
Pour cette raison, il est nécessaire de se rendre seul la nuit en un chemin isolé en un lieu oú personne ne se rend le jour. Là, on doit s’isoler et vider son coeur et son esprit de toutes implications mondaines jusqu’à ce que l’on atteigne un état de véritable transcendance et de communion.
C’est un processus progressif. Tout d’abord, on doit vouer ce moment nocturne solitaire de l’hitbodedouth à parler et à prier Dieu jusqu’à ce qu’il réussisse à néantiser son désir négatif. Ensuite, il doit vouer son hitbodedouth à néantiser un trait secondaire de désir négatif. Il doit continuer ainsi nuit après nuit en ce lieu solitaire jusqu’à ce qu’il ait tout rendu au néant.
Et s’il reste quelque chose en lui, c’est-à-dire quelques résidus de fierté et d’arrogance humaine. C’est qu’il considère toujours lui-même comme étant quelque chose. Il doit persister dans l’Hitbodedouth et continuer son travail jusqu’à ce qu’il ait néantisé cela aussi, jusqu’à ce que rien ne persiste en lui et qu’il soit dans un état de véritable transcendance. Alors, lorsqu’il aura atteint la véritable vacuité, son âme commencera à émerger de sa racine, c’est-à-dire, de Dieu » (Likutey Moharan I, 52).
Pour Aboulafia, l’Hitbodedouth possède deux significations : une concentration mentale requise afin de réussir l’union divine avec Dieu et la solitude de la prière (nécessité de l’isolement de tout contact humain afin de prier). Dans ce système d’Aboulafia, l’union de la retraite, de la concentration mentale en vue de l’union avec Dieu et l’utilisation des lettres comme supports de la méditation, nous avons un bon parallèle avec la technique du Dikr soufi.
Selon Moshe Idel : « Les répercutions de la synthèse (entre le soufisme et le mysticisme d’Aboulafia) dans le développement de la mystique juive furent énormes : l’accent mis sur l’importance de l’union mystique, de l’Hitbodedouth (isolement physique et concentration mentale) et l’introduction de l’idée d’équanimité comme valeur mystique, restructurèrent le fond mystique juif médiéval et affecta la physionomie de quelques-uns des aspects de la Kabbale de Safed et, plus tard, mena à la formation du Hassidisme en tant que phénomène mystique » (Études de la Kabbale Extatique, p. VIII, New York Time, 24 janvier 2001).
Et Sholem de continuer : « Les Kabbalistes sont unanimement d’accord sur le niveau supérieur atteignable par l’âme à la fin de son cheminement mystique, celui de devekhut, l’union à Dieu. Il peut il y avoir différents niveaux de devekuth telle que « l’équanimité » (hishtavvut, l’indifférence de l’âme), l’hitbodedouth (solitude) ».
Rabbi Abraham Abulafia dit au sujet de l’union avec Dieu induite par l’hitbodedouth : « Quiconque est attiré par les vanités de la temporalité, son âme survivra dans les vanités de la temporalité et quiconque est attiré vers le Nom, qui est au-dessus de la temporalité, son âme survivra dans le royaume éternel au-delà du temps, en Dieu, qu’il soit béni. Aimez Dieu, votre Seigneur afin d’entendre sa voix et de vous attacher à Lui« .
Voici maintenant un exemple de méditation Hitbodedouth telle que pratiquée par le Rav Nachman HaTitktinner (HaRanit). Avant toute chose, l’on doit se trouver dans un lieu isolé, se vêtir du Tallit, fermer les yeux…
Ki-karov aleycha ha-davar me’od, beficha uvilvavcha la’asto.
Car proche de toi est le Mot, dans ta bouche et dans ton coeur, pour le faire. (Bazak 40, Sefer ha’mavet ha’ivri)
Le Mot est « karov me’od », l’endroit près de toi. C’est le lieu oú nous allons, c’est le lieu oú nous connaissons la proximité de Dieu.
En hébreu, la bouche est « Pey » et le coeur « Lev ». « Le faire » est « la’asto », qui le fait d’entrer dans le coeur de l’être, d’entrer dans le Creux du Rocher et de rester calme devant la Gloire de Dieu. Par la respiration, l’on est mené à la kavannah, la concentration. Et de cette kavannah naît la vision du Creux dans le Rocher.
« Sache aujourd’hui que HaVaYaH est le seul Dieu dans le ciel au-dessus et sur la terre en dessous » (Deutéronome 4.39). Le coeur est un « coeur de pierre » (Ezekiel 36.26) et le seul moyen d’adoucir le coeur est de briser en lui nos illusions, ambitions et projets afin de l’alléger et qu’il s’élève enfin vers Dieu.
L’objet de la visualisation est le Creux dans le Rocher. Voyez-le par l’oeil de l’esprit, sentez sa proximité, sa hauteur et les ombres rocheuses. C’est là que le « karov me’od » sera placé, et que nous verrons la Gloire de YHVH.
Faites brûler de l’encens et allumez des bougies, asseyez-vous dans un endroit tranquille, soyez lavé de frais par le mikveh, le bain rituel. « Allez dans un champ d’herbes, car l’herbe réveillera votre coeur » nous dit Rabbi Nachman de Breslav. Allez là où vous serez seul avec Dieu, avec le souffle et le Creux du Rocher près de vous à tous instants. Pour cela, vous n’avez besoin de nul Tzaddik ou de guru. Vous atteignez le Dieu intérieur, par votre propre Nefesh selon ses propres mots.
Dans le Bahir nous lisons : « la Gloire (Kavod) et le Coeur (Lev) ont tous deux la même valeur numérique, 32. Ils sont tous deux un, mais la Gloire se réfère à sa fonction supérieure et le Coeur à sa fonction inférieure« .
Le Rocher ou la montagne symbolise le sommet ou le but du cheminement spirituel humain, qui est d’obtenir une humilité et un effacement afin de pouvoir s’immerger totalement en Dieu. Ce niveau est connu des Kabbalistes comme étant Kether, donc supérieur à Da’ath qui est la simple connaissance de Dieu. Connaître Dieu signifie une séparation entre l’objet et l’observateur, et comme Dieu n’est pas un objet, mais qu’Il est le sujet ultime, on ne peut le connaître qu’en s’unissant à Lui. Afin d’atteindre à l’ultime connexion avec Dieu, le cherchant doit abandonner tout sens d’individualité et d’ego et porter ses sens vers un état mystique de totale union avec le Dieu Un. Cette union ne peut s’accomplir dans le charnel et l’on ne peut utiliser que la méditation, la prière ou la dévotion afin d’établir une union temporaire spirituelle.
Ha-hitbodedouth she’HaRanit
La méditation de Reb Nachman HaTiktinner, la devekuth avec YHVH.
Inhalez alors que vous dites silencieusement Pey. Sentez la Ruach passer par votre bouche.
Retenez votre souffle et dites silencieusement Lev. Sentez le battement de votre coeur dans votre gorge.
Expirez totalement en disant silencieusement La’asto. Pour le faire !
Commencez votre voyage vers le Creux du Rocher (nikrat tzur).
Un jour HaRanit dit : que le rythme du Pey-Lev-la’Asto vous emporte dans le Creux du Rocher, attendez que le Rocher vous apparaisse.
Ouvrez votre coeur à l’image, laissez-la se former dans votre coeur.
Respirez et écoutez, car vous approchez, karov me’od, le moment crucial. Voici votre moment de Chofshi. Vous êtes libre.
Attendez et regardez. Respirez. Écoutez.
Il vient.